Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/1126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux-mêmes par les rapports les plus étroits aux questions les plus compliquées et les plus délicates de finances, d’administration, d’organisation politique, ne soient pas tous résolus d’un seul effort et emportés de haute lutte ! Le gouvernement constitutionnel fait-il obstacle à ces réformes ? Une autre forme de gouvernement ferait-elle mieux les affaires, devancerait-elle mieux l’action du temps, résoudrait-elle mieux des difficultés qui sont dans la nature des choses ? La bourgeoisie est-elle hostile aux améliorations ? fait-elle réellement camp à part ? a-t-elle séparé ses intérêts de ceux de la masse ? Enfin le gouvernement par une autre classe, et notamment par les classes populaires, ferait-il plus, ferait-il mieux les affaires du peuple ? Là est la vraie, la seule question. Il ne faut pas la laisser déplacer arbitrairement. Tant qu’on n’aura pas répondu d’une façon claire, péremptoire, on n’aura rien dit ; on n’aura montré que son impuissance à ériger en théorie l’impatience de ses vœux. Or, cette démonstration que nous demandons, M. Henri Martin et les autres écrivains qui se constituent les adversaires de la classe dominante se gardent bien de nous la donner. Ils excellent à mettre en lumière les difficultés du présent, mais leurs critiques ne vont guère au-delà de l’affirmation pure et simple du mal. Ils saisissent avidement, ils exploitent avec insistance les abus partiels, les mauvaises tendances de quelques partis extrêmes, les luttes intérieures du gouvernement représentatif, les défauts ou les hésitations de la classe moyenne ; ils font un faisceau de toutes ces attaques et décrètent d’accusation et le gouvernement et la bourgeoisie. Où les esprits justes et modérés concluent pour les réformes, ils concluent pour les révolutions.

Et combien ces attaques qui, fussent-elles justes, s’appuieraient, il faut l’avouer, un peu prématurément sur une expérience de quelques années, ne sont-elles pas elles-mêmes entachées d’exagération et d’erreur ! Au tableau de l’égoïsme et des faiblesses que n’oppose-t-on celui de la charité et les preuves de libéralité d’esprit et de confiance généreuse données plus d’une fois par la bourgeoisie à ses frères des classes inférieures ? On va chercher bien loin dans l’histoire et jusqu’au sein des communes, pour les marquer d’un trait railleur, les goûts économiques et l’amour du repos qui distinguaient nos aïeux. On montre le progrès de cet esprit ; on le montre arrivé à son apogée. Mais la révolution faite et dirigée par la bourgeoisie, au profit de qui a-t-elle aboli les charges de tous genres, les réquisitions, les corvées, les corporations, tant de maux qui pesaient sur le peuplé ? n’est-ce pas au profit des classes inférieures ? Et maintenant, en face de maux que nul n’a pu prévoir, qui donc a établi ces institutions de bienfaisance, ces salles d’asile, ces crèches, tous ces moyens de soulager la misère ? n’est-ce pas la bourgeoisie ? N’est-ce pas elle qui pose par votre bouche et non-seulement par la vôtre, mais par celle d’un grand nombre de ceux que vous traitez en adversaires, ces questions de paupérisme, d’organisation du travail ? Où donc, s’il vous plaît, dans quel autre temps, sous quel autre régime a-t-on vu ainsi la classe dominante, une grande partie du moins de cette classe, se préoccuper ainsi de ce que ses droits pouvaient avoir d’excessif, de ce que ceux des autres classes pouvaient avoir de trop restreint ? On parle de droits politiques ? Soit. À condition que l’on prenne pour principe non le nombre, mais la capacité, c’est un terrain constitutionnel sur lequel on peut s’entendre. Mais, d’abord, le gouvernement lui-même ne nie pas les droits, ce