Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de M. Asthon sont maintenant revenus. L’ambassadeur anglais a même tellement affiché son protectorat, que la susceptibilité espagnole n’a point tardé à s’en émouvoir, et qu’elle s’en irrite de jour en jour contre lui. Quant à nous, nous ne désirons qu’une chose : c’est que l’Espagne voie clairement où on veut en effet la mener, c’est qu’elle aperçoive distinctement cette main étrangère qui s’efforce de jeter le trouble dans ses affaires ; il ne lui sera pas difficile de reconnaître les dangers de toute sorte qu’on prépare à son avenir constitutionnel et à son industrie, à sa prospérité matérielle. C’est la bonne fortune de la France d’avoir pour elle l’intérêt bien entendu de l’Espagne.




Le spectacle qu’offre la littérature ne change guère depuis quelque temps. C’est toujours le même calme que nous avons si souvent constaté. La critique voudrait avoir à proclamer de nouveaux talens et ne trouve à signaler que de nouvelles pertes. A un moment où les imaginations actives deviennent si rares, nous ne pouvons rester insensibles à la mort d’un écrivain plein d’énergie, qui vient de succomber dans la force de l’âge. Cette perte est d’autant plus regrettable, que M. Frédéric Soulié disparaît au moment où son talent se purifiait, tout en gardant sa vigueur. Dans tout ce qu’a écrit ce romancier dramaturge, on sent l’effort, effort qui enfin, dans la seconde partie de sa carrière, avait abouti à de remarquables effets. Il y a dix ans, les Mémoires du Diable ouvraient la série de ces interminables romans dont l’existence est à la fois si bruyante et si éphémère ; ces mémoires sont le patron sur lequel ont été taillés les Mystères de Paris et Monte-Cristo. Il y avait dans M. Frédéric Soulié une puissance d’invention dont la fécondité fut laborieuse et tardive. Que d’essais malheureux, incomplets, avant qu’il obtînt au théâtre des victoires méritées ! Enfin le jour du triomphe était venu pour lui, et la Closerie des genêts avait attesté un talent dramatique sur lequel il était permis de fonder les plus légitimes espérances. M. Frédéric Soulié aspirait désormais surtout à l’honneur d’écrire pour notre première scène. Nous croyons qu’il serait parvenu à mêler d’une manière heureuse le drame à l’élément comique. Pourquoi est-il mort avant le temps ? Au surplus, la célébrité entourait réellement son nom ; nous n’en voulons d’autre preuve que l’immense affluence qui se pressait à ses funérailles.


LES OISEAUX ET LES FLEURS, par M. Isidore de Gaillon[1]. — On s’est plaint souvent de l’esprit d’exclusion que le public professe à l’égard des vers. Nous sommes loin de nous associer complètement aux reproches que les poètes ne lui ménagent guère à ce sujet ; mais, en admettant que le public n’ait souvent que trop raison quand il refuse d’encourager certaines prétentions poétiques, il faut bien reconnaître aussi qu’un peu plus d’indulgence déployée à propos ne messiérait pas de temps en temps. Je sais bien qu’ils sont souvent insupportables, ces jeunes gens pleins de santé qui veulent mourir à vingt ans, ces jeunes cœurs pleins de passion qui renoncent à l’amour avant d’avoir aimé ; mais quel est celui d’entre nous qui n’a pas à se reprocher quelque peccadille de ce genre ? Qui de nous, aux beaux jours de la vie, n’a annoncé sa fin prochaine dans quelque larmoyante

  1. Un volume in-12, chez Garnier, Palais-Royal.