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rieures et extérieures. M. Coletti, on peut le dire, avait fini par être trop fort ; la prépondérance qu’il avait acquise était peut-être trop exclusive pour n’être pas un peu anormale. Ainsi les dernières élections lui avaient donné une législature dans laquelle il avait non pas seulement la majorité, mais l’unanimité. Il n’y avait pas d’opposition. En apparence, cela peut rendre le gouvernement plus facile ; en réalité, cela le rend moins sûr. Un gouvernement constitutionnel implique nécessairement l’existence d’une minorité, d’une opposition. Quand la minorité n’est pas représentée dans les pouvoirs légaux et réguliers, elle cherche sa satisfaction dans une opposition extra-légale et extra-parlementaire. Les amis véritables de M. Coletti en étaient réduits à désirer pour lui moins de succès et moins de pouvoir. Le résultat des élections avait dépassé leurs désirs et leurs espérances, et peut-être serait-il devenu nécessaire d’avoir recours à un nouvel appel au pays uniquement pour trouver une opposition. La grande et légitime influence personnelle qui avait rallié autour d’elle toute la législature grecque a maintenant disparu, et il n’est pas probable qu’il s’en trouve une autre capable de lui succéder et de la remplacer. On peut donc s’attendre à voir s’opérer en Grèce une dislocation et par suite une classification nouvelle des partis. En même temps, la lutte qui y était directement établie entre les influences étrangères perdra de son activité et de son acrimonie, et nous devons dire qu’à notre avis ce ne sera pas un grand mal. Il y avait à Athènes des partis trop exclusivement français et trop exclusivement anglais, et l’antagonisme des deux influences y avait pris un caractère d’hostilité dont la Grèce elle-même aurait fini par souffrir. Du reste, dans cette lutte, le beau rôle était pour la France ; la libéralité et le désintéressement étaient de son côté, et l’attitude de créancier et d’huissier qu’avait prise le gouvernement anglais était fort peu à son honneur. La nation grecque saura tôt ou tard faire la part des deux conduites ; mais en ce moment il est peut-être à désirer que les deux gouvernemens profitent de l’occasion qui leur est offerte de se relâcher de leur mutuelle animosité. Tout le monde, à commencer par la Grèce, ne peut qu’y gagner.

La diète suisse s’était, on s’en souvient, ajournée au 18 octobre. Cette réunion nouvelle sera-t-elle le signal d’une guerre civile ? On le dit beaucoup. Nous avouons cependant que nous en doutons encore. Nous avons entendu tant et tant de fois répéter qu’une explosion en Suisse était inévitable, infaillible, immédiate, et que le feu allait être mis le lendemain matin aux vingt-deux cantons, qu’à la fin nous nous sommes un peu blasés sur l’imminence de ce danger. En France, où l’on a l’habitude de passer assez vite de la parole à l’action, on a une certaine peine à comprendre que la diète suisse prenne régulièrement tous les ans plusieurs résolutions, et se dispense presque aussi régulièrement d’en exécuter aucune ; mais il faut prendre les peuples comme ils sont. Combien de fois, par exemple, la diète n’a-t-elle pas voté la révision du pacte fédéral ! Combien de fois n’a-t-elle pas nommé des commissions pour en préparer un nouveau ! Chaque fois cependant il a été impossible de l’entendre, et, au milieu de ces controverses interminables, ce pauvre pacte, déchiré et lacéré tour à tour de tous côtés, a néanmoins continué sa marche, et il se soutient encore tant bien que mal.

De ce que la diète a voté cette année, avant de se séparer, la dissolution du Sonderbund ou de la ligue des sept cantons, on en conclut qu’elle est forcément