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qu’un sanfédiste déguisé. M. Mazzini sait-il bien l’immense risée qu’a soulevée en Italie cette assertion ? Ailleurs il avoue que les idées démocratiques n’ont pu, en dépit des efforts du carbonarisme et de la jeune Italie, avoir la moindre influence sur l’esprit italien, essentiellement catholique et conservateur par excellence. En ce cas, pourquoi traiter de rêveurs et d’utopistes ceux qui s’efforcent de régénérer l’Italie en travaillant sur les élémens que la nature, le temps, les traditions, leur fournissent ? Le rêve, l’utopie, c’est d’ajourner la solution du problème au temps où l’Italie ne sera plus catholique, et, tandis qu’elle lutte et se débat, de ne lui offrir d’autre perspective que le remède d’Éson.

En résumé, M. Mazzini ne nous semble pas savoir au juste ce qu’il veut. Sa pensée, que nous cherchons vainement à saisir au milieu des raisonnemens le plus souvent contradictoires dont il a rempli deux volumes, eût gagné à être présentée sous une forme plus concentrée ; mais l’auteur déploie cette prolixité, véritablement fatigante, qui est, au reste, un défaut commun aux œuvres littéraires de ses compatriotes, et dont ils ne pourront manquer de se corriger lorsque la pratique et la discussion des affaires publiques les auront formés au langage de la politique.


— Nous avons rarement occasion de rendre justice aux travaux littéraires de la province. Parmi ces travaux, pour la plupart trop peu connus, il est un ordre d’études et de recherches qui méritent d’être particulièrement encouragées : nous voulons parler de ces essais d’histoire locale qui formeront quelque jour un ensemble de documens précieux et comme le complément indispensable des monumens plus vastes élevés à l’histoire générale du pays. Nous avons sous les yeux deux ouvrages qui méritent à plus d’un titre d’occuper un rang honorable parmi les publications historiques de nos départemens. Le premier est une étude sur Rodolphe de Habsbourg[1], dont la vie glorieuse est liée étroitement à l’histoire d’une partie de l’Alsace. L’auteur, M. Boyer, a voulu faire plus qu’une biographie, plus qu’un portrait, et son livre, textes et notes, témoigne de recherches patientes non-seulement sur Rodolphe de Habsbourg, mais sur toute une phase très intéressante de la vie féodale en Alsace. Ce n’est pas la vie féodale, c’est plus particulièrement la vie d’artiste qui est l’objet d’une autre étude intitulée Gauthier le statuaire[2], par M. A. Biechy. Ici l’érudition se produit sous la forme d’un roman plein de renseignemens curieux sur les associations de sculpteurs et d’architectes auxquelles on doit les grandes cathédrales des bords du Rhin. Il faut louer, dans l’un et l’autre de ces récits historiques, une connaissance intime et une habile interprétation des sources locales.



V. de Mars
  1. Un vol. in-8e, publié à Colmar, chez Hoffmann.
  2. Un vol. in-12, Strasbourg, 1847.