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qui s’occupe de décrire les monumens, de déterminer leur âge, de les classer d’après les époques auxquelles ils appartiennent. Vers 1835, une seconde branche s’ajoute à l’architectonique : c’est l’iconographie, qui interprète les représentations figurées et la symbolique monumentale, principalement en ce qui concerne les édifices religieux. Il n’est pas aujourd’hui en France un seul monument chrétien qui n’ait été décrit très en détail, et souvent même plusieurs fois, excepté pourtant ceux des environs de Paris, qui, par une bizarrerie singulière, sont les moins connus du royaume.

L’architecture civile, l’architecture militaire, les arts industriels, ont été également l’objet de travaux importans et surtout de travaux originaux et neufs. En dressant la statistique des monumens que nous a légués le moyen-âge, on a rougi d’avoir oublié si long-temps ceux qui nous en avaient dotés. On a cherché, en remontant aux origines mêmes, les noms des architectes, des sculpteurs, des émailleurs, des orfèvres, en un mot de tous ceux qui ont travaillé, au milieu de la barbarie du passé, au progrès des arts plastiques et des arts du dessin. On a fait marcher de front la biographie des artistes et la description de leurs œuvres. Dans chaque subdivision, le nombre des grandes publications s’est augmenté. Il suffit de rappeler pour l’histoire générale les Arts au moyen-âge de M. du Sommerard ; pour la glyptique, c’est-à-dire l’art de graver les pierres dures, soit en creux, soit en relief, le Trésor de numismatique et de glyptique de M. Lenormant ; pour l’orfèvrerie, les travaux de M. l’abbé Corblet ; pour les arts céramiques, l’intéressant traité de M. Brongniart, qui a mis la chimie et la technologie au service de l’archéologie, en même temps que, dans son laboratoire de Sèvres, il dérobait au moyen-âge le secret de ses vitraux coloriés ; pour la peinture sur verre, l’Essai historique d’Hyacinthe Langlois, l’Histoire de la peinture sur verre de M. de Lasteyrie, et le magnifique ouvrage de MM. Martin et Cahier, les Vitraux de la cathédrale de Bourges ; pour l’iconographie chrétienne, les travaux de MM. les abbés Duval et Jourdain ; pour les tappiz à ymages, les Anciennes tapisseries historiées de M. Jubinal ; pour la miniature, les Peintures et ornemens des manuscrits de M. de Bastard ; pour l’architecture, les Peintures de Saint-Savin, la Statistique monumentale de Paris, la Monographie de la cathédrale de Noyon et la Monographie de la cathédrale de Chartres. La plupart des ouvrages que nous venons de citer, entrepris dans l’espace de quinze ans, représentent, sous le rapport industriel, une valeur vénale considérable, car il en est dans le nombre qui ne coûteront pas moins de 30,000 francs l’exemplaire, et, sous le rapport de l’érudition, ils révèlent chez les auteurs un zèle digne des plus sincères encouragemens.

En même temps que les monographies se répandent, la science s’étend et recule sans cesse ses limites ; elle sait qu’elle ne peut être complète et sérieuse qu’à la condition d’être en quelque sorte universelle, et de ne point séparer le monde antique de la société du moyen-âge ; aussi voyons-nous aujourd’hui les hommes qui la représentent le plus dignement embrasser, pour ainsi dire, dans l’ensemble de leurs études tous les temps et tous les lieux, expliquer la Grèce par l’Orient, Rome par la Grèce, et la France par Rome. Nous retrouvons encore ici cette méthode comparative et cette tendance encyclopédique que nous avons rencontrée tant de fois déjà. Les déclamations mystico-pindariques, néo-catholiques et romantiques auxquelles l’archéologie s’était livrée avec une effervescence