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royale, à l’aide des grandes charges de la couronne et des commandemens militaires.

On pouvait donc d’âge en âge et presque de règne en règne suivre et constater l’affaiblissement progressif du principe féodal reculant devant l’esprit monarchique. Ce sont d’abord les populations elles-mêmes, étrangères les unes aux autres par le sang, par les croyances et par la langue, qui répugnent à l’unité politique ; c’est ensuite la ligue de tous les barons, entre lesquels fut partagée la terre conquise, qui opposent aux premiers Capétiens une résistance énergique ; puis la royauté, maîtresse du sol de la patrie, se trouve contrainte de lutter contre les princes apanagés par elle avec autant de vigueur qu’elle l’avait fait d’abord contre les barons ; enfin, lorsque la hache a frappé les plus hautes têtes et fait couler le sang royal comme un sang vulgaire, une nouvelle lutte s’engage contre les créatures de la royauté, qui aspirent à reconstituer l’ancien système au moyen des grands gouvernemens provinciaux. Aux guerres de race à race, aux guerres de suzerain contre vassal, succèdent alors les intrigues de palais, le règne des favoris et des favorites, et une lutte d’influences toutes personnelles s’engage autour du trône, au pied duquel apparaît Richelieu comme l’inflexible génie de la monarchie.

Toutefois, avant le triomphe du grand cardinal, une éclatante tentative fut faite pour sauver l’intérêt féodal prêt à périr. L’aristocratie française eut assez de sens politique, aux jours de sa décadence, pour rattacher sa cause à une cause plus vivante, à un principe plus énergique que le sien. Elle s’associa étroitement à la réforme protestante, et ce ne fut pas là un des motifs qui nuisit le moins au développement du protestantisme parmi les populations françaises. La réforme avait été dans toute l’Europe septentrionale la cause des rois et des grands elle avait fait son chemin en délivrant les premiers du frein du pouvoir religieux, en distribuant aux seconds les dépouilles opimes de l’église, et l’austérité de ses dogmes avait habilement couvert ces larges concessions faites aux convoitises des uns, aux cupidités des autres. L’exemple des rois d’Angleterre, de Suède, de Danemark et de la plupart des princes du Nord, n’ayant pas été suivi par les rois très chrétiens, la réforme dut prendre en France des allures moins serviles que dans ces contrées mises au pillage, et le calvinisme tenta de s’y montrer sous des formes fières, indépendantes et quasi-républicaines. Toutefois l’esprit démocratique qu’il affectait dans quelques communes importantes ne l’empêchait pas de s’allier étroitement aux grandes factions de cour, de telle sorte qu’en s’attaquant à lui, la royauté rencontrait en même temps devant elle et les passions populaires dans ce qu’elles ont de plus ardent, et les intérêts aristocratiques dans ce