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de M. Berryer est une sorte d’épithalame sur l’entrée de Napoléon et de Marie-Louise à Paris, épithalame qui se termine par ces vers :

Vivez, prince, vivez pour faire des heureux ;
Tige en héros féconde, arbre majestueux,
Déployez vos rameaux, et croissant d’âge en âge
Protégez l’univers sous votre auguste ombrage.

On doit à M. Louis Blanc des vers sur l’hôtel des Invalides et un poème sur Mirabeau en quatre cent vingt-trois vers libres ; à M. Ortolan, professeur à l’École de droit, un recueil de poésie intitulé les Enfantines. M. Alphonse Karr écrit d’abord en vers son livre Sous les Tilleuls. M. Fulchiron est coupable de plusieurs tragédies et de plusieurs poèmes, et nous trouvons de lui Saül, le Siège de Paris, Argillon et Pizarre. M. Guérard, l’un des représentans les plus éminens de l’érudition française, obtient de l’Académie un accessit pour un poème intitulé la Mort de Bayard. On a de M. de Genoude une pièce politico-allégorique, la Délivrance d’Israël, et, dans la Biographie du clergé contemporain, on attribue à M. l’abbé de Veyssière, évêque in partibus et l’un des propriétaires de l’Ami de la Religion, un petit volume de poésies sentimentales qu’auraient pu signer les abbés élégans du XVIIIe siècle. Enfin M. de Cormenin, qui débutait en 1813 par un recueil de poésies, M. de Cormenin sacrifiait encore aux muses pendant son voyage en Espagne en 1844, et adressait des Adieux à Valence qui nous sont arrivés, traduits en espagnol, par le journal el Heraldo. On le voit, la plupart des prosateurs contemporains ont tenté au moins une fois en leur vie l’ascension du Parnasse. Les poètes à leur tour, les vrais poètes, ceux qui habitent les sommets de la mythologique montagne, sont à peine arrivés sur le faite qu’ils aspirent à descendre, et nous les retrouvons presque tous traçant leur sillon dans les humbles champs de la prose, sous prétexte que, la poésie étant l’antique fille des dieux, elle a comme ses ancêtres une sorte d’ubiquité souveraine.

Les poètes artisans, qui formaient autrefois une exception assez rare pour être remarqués, lors même que le talent ne suffisait pas à leur faire une réputation durable, sont aujourd’hui assez communs pour qu’on ne les remarque plus[1]. L’esprit souffle où il veut, dit saint Jean, et l’esprit a soufflé dans l’atelier. On pourrait s’attendre, par la position même des ouvriers poètes, à trouver dans leurs vers une certaine originalité et la spontanéité d’une verve naïve ; mais, au milieu de ce débordement de rimes, un ouvrier typographe, Hégésippe Moreau, et Jasmin, le coiffeur, ont seuls pris rang dans la littérature. Les autres n’ont fait qu’imiter faiblement la poésie académique de l’empire dans sa veine la plus terne et la plus décolorée. Il faut cependant rendre cette justice aux poètes

  1. La plupart des professions ont maintenant leurs représentans poétiques. Nous trouvons pour les menuisiers en bâtimens MM. Becker, de Reims, et Durand, de Fontainebleau ; pour les menuisiers en parquets, M. Ganny ; pour les coiffeurs, MM. Jasmin, Daveau et Corsat ; pour les boulangers, M. Reboul, à Nîmes, et M. Fournier, à Soissons ; pour les cafetiers, MM. Blanchard, à Angers, et Bonnet, à Beaucaire ; pour les receveurs de bureaux d’omnibus, M. Rousselet, d’Asnières ; pour les jardiniers, M. Genetier ; pour les horlogers, M. Festeau ; pour les brodeuses, Mme Eliza Fleury ; pour les maçons, M. Poney ; pour les cordonniers, M. Gonzalles ; pour les bottiers, M. Savinien Lapointe ; pour les tisserands, M. Magu, etc.