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fureur. La guerre entre le tenancier et le propriétaire, entre le pauvre et le riche, se poursuit sourdement et arrête toute tentative de régénération sociale. La nation est toujours partagée en classes armées les unes contre les autres, et les haines héréditaires viennent ajouter les vengeances humaines aux calamités providentielles de la famine et de la peste. Le gouvernement anglais aura donc à lutter, en Irlande, contre deux fléaux à la fois : contre une maladie chronique, et contre une maladie aiguë, contre la désorganisation sociale et contre la famine.

Nous disions, il y a quinze jours, que la popularité du pape Pie IX en Angleterre serait grandement compromise par le rescrit de la propagande qui avait condamné les collèges fondés en Irlande par le gouvernement. Ce résultat, très vraisemblable, n’a pas tardé à se réaliser, et il s’est opéré, dans l’opinion du peuple anglais, une certaine réaction contre la cour de Rome. Nous devons dire que ce sentiment nous paraît passablement injuste, car enfin, même pour se rendre populaire dans la protestante Angleterre, le pape ne pouvait pas abdiquer son rôle, ou pour mieux dire son devoir. La question soulevée par les collèges irlandais n’est autre que la querelle éternelle du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Nous ferons observer aussi, à cette occasion, que la question de l’enseignement est toute différente en Angleterre de ce qu’elle est en France. En France, l’état exerce une action directe, un contrôle absolu sur l’éducation ; il se fait le plus grand maître de l’enseignement, et, avec cette clé, il ouvre ou ferme à tous les citoyens l’entrée des carrières publiques. En Angleterre et en Irlande, les établissemens de l’état ne sont qu’une concurrence aux établissemens particuliers ; il n’est pas nécessaire d’être bachelier pour être citoyen anglais. À côté de l’enseignement mixte fondé en Irlande par le gouvernement, il y a l’enseignement de chaque religion ; l’église protestante a le sien comme l’église catholique. Le parti protestant est tout aussi hostile à l’éducation purement séculière que le parti catholique, et, sur ce point, l’université d’Oxford se trouve l’alliée du clergé irlandais. Il est donc tout naturel que le pape prenne le parti des évêques. A l’époque de la révolution française, l’empereur Joseph disait : « Mon métier à moi est d’être royaliste. » Le pape dit aussi : « Mon métier est d’être catholique. » Dans le rescrit adressé à l’archevêque de Tuam, il a recommandé la fondation d’une université catholique, semblable à celle de Louvain. Les évêques d’Irlande se sont empressés d’adopter ce projet, et une souscription a été ouverte pour le réaliser. Un évêque irlandais, celui de Meath, a souscrit pour 250,000 francs, à l’aide d’un fonds de legs et de donations dont il a la libre disposition. Toutes ces circonstances réunies ont fort calmé l’enthousiasme anglais à l’endroit du pape, et paraissent avoir ajourné la nomination d’un ambassadeur de la Grande-Bretagne auprès de la cour de Rome.

Le fait le plus important qui se soit passé en Italie, c’est la conclusion d’une union douanière entre le pape, le roi de Sardaigne et le grand-duc de Toscane. C’est le plus grand progrès peut-être qui se soit encore fait vers la reconstitution d’une nationalité italienne. On sait ce que la Prusse a pu faire à l’aide du Zollverein ; la ligne des douanes a été le principal instrument avec lequel elle a relié et rassemblé autour d’elle les élémens épars de la patrie allemande. Sans doute il ne faut pas attendre immédiatement de l’union italienne des résultats aussi considérables ; cette union n’est encore établie qu’en principe, et il y a beaucoup