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de Tirynthe ou de Mycène comparée à la majesté des blocs gigantesques, mais régulièrement taillés, du mur inférieur du Pnyx. L’esprit qui a conçu la grande Minerve d’ivoire a su réunir dans les colonnes de son temple les deux caractères de la déesse, la mâle grandeur de l’intelligence et la grace de la beauté féminine.

Les Grecs consacraient à la divinité les plus beaux ouvrages de leur génie, et de tous ceux qu’ils nous ont laissés, les temples des dieux l’emportent par la grandeur et la magnificence. Les hommes construisent pour eux-mêmes tout ce qu’ils construisent, et c’est pour éveiller dans leur ame le sentiment religieux qu’ils consacrent à Dieu des autels dont il n’a pas besoin. L’ame s’élève à lui par la sensibilité comme par les idées, et le plaisir de l’ouïe ou de la vue contribue aussi pour sa part à la beauté des temples et à l’effet des cérémonies religieuses. Les artistes grecs connaissaient tout ce qui peut charmer la vue. La lumière est plus belle que les ténèbres, elle est une image de l’intelligence ; Phidias, pour honorer Minerve, conçut un temple découvert dans lequel rayonnait librement le pur éclat du soleil. La cella, demeure habitée par la déesse, formait sous le ciel un espace ouvert, et la statue de Minerve était au milieu, vers le fond. De chaque côté s’élevaient deux rangs de colonnes doriennes superposées ; les inférieures étaient deux fois plus hautes que les supérieures ; elles étaient séparées par une architrave ornée de moulures gracieuses, et une autre architrave couronnait aussi les colonnes du second rang : elles étaient au nombre de dix de chaque côté ; il n’y en avait point au fond de la cella, derrière la statue de la déesse, mais on en voyait une de chaque côté de la porte d’entrée, ce qui, dans cette partie, complétait le péristyle. Ces deux rangs de colonnes formaient un portique à la fois majestueux et élégant sous lequel on suspendait sans doute les tableaux offerts par les adorateurs et les portraits de quelques grands hommes sauveurs de la patrie. Vitruve nous apprend que les anciens multipliaient les cannelures des colonnes intérieures, parce que ces colonnes étaient plus petites que les autres ; l’œil avait alors plus de lignes courbes à parcourir, et l’édifice y gagnait plus de grandeur et d’élégance. C’est ainsi que les artistes grecs donnaient plus de grosseur aux colonnes angulaires des temples, non, comme le veut M. Wilkins[1], pour en assurer la solidité, mais, comme nous l’apprend Vitruve, parce que ces colonnes extrêmes étaient diminuées par l’éclat du ciel. Cette perfection des parties contribuait singulièrement à la grace de l’ensemble ; il faut attribuer à la même pensée le soin infini avec lequel on ajustait les tambours des colonnes personne n’ignore que, pour faire disparaître l’intervalle des parties, on les polissait comme une table de marbre ; pour cela, on attachait deux tronçons l’un sur l’autre par un axe de cèdre ou d’olivier, autour duquel on les faisait rouler ; le frottement léger d’un sable fin versé entre les deux parties rendait les surfaces unies et égales, la colonne paraissait monolithe, et, aujourd’hui même, un œil exercé ne découvre pas aisément toutes les jointures.

  1. M. Wilkins a principalement étudié le Parthénon au point de vue des lois de la statique.