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étaient attelés de deux, de trois ou de quatre chevaux, et faisaient aussi partie de la pompe, conduits par les vainqueurs des jeux publics de la Grèce. Derrière les chars, sur la façade occidentale du temple, se presse la foule des citoyens, les uns courant se ranger à la suite de la théorie, les autres se disposant à monter à cheval. « Ces différens groupes, dit Visconti[1], au nombre de plus de quarante, font tous partie de la plus grande composition peut-être qu’un statuaire ait jamais conçue. »

Si nous avons cherché à donner quelque idée des sculptures du Parthénon, c’est uniquement pour montrer avec quel art Phidias a fait concourir ces ornemens à l’effet total du temple. Ce ne sont point des sculptures détachées les unes des autres et que l’on eût pu mettre sur tout autre édifice : elles forment un ensemble et se rapportent toutes au culte de la déesse. C’est un grand défaut de nos monumens gothiques d’être chargés d’ornemens de toute sorte, non pas seulement exécutés sans art, mais souvent aussi étrangers à la religion et quelquefois incompatibles avec elle. L’art byzantin, dont la Grèce moderne fournit de nombreux exemples, moins original que le gothique, avait conservé quelques traditions de l’art antique des Grecs et paraît en être comme un rejeton mal venu ; il a mis dans les ornemens un certain ordre factice, il est vrai, mais réel ; il a assigné sa place à chaque peinture. Un Christ colossal occupe la voûte du principal dôme, et au-dessus de l’autel est Marie, sa mère ; sur les murs, à droite et à gauche, sont les anges, les apôtres, les martyrs ; au-dessus de la grande porte est le jugement dernier. Du reste, les personnages sont répandus à profusion et couvrent tous les murs de l’église. Il y a un milieu entre le caprice qui mêle toutes choses et l’esprit de routine qui ne laisse pas de place au génie : on peut le dire sans injustice, l’art grec est le seul qui ait connu cette juste mesure. Il était d’usage que les sculptures d’un temple représentassent des événemens relatifs au culte de sa divinité ; mais il appartenait à Phidias de choisir à son gré les sujets et de les distribuer sur le temple dans un ordre conçu par lui-même. Il résolut donc de représenter sur le Parthénon ce qui compose essentiellement le culte de la déesse, et, au lieu de répandre sans discernement les petits sujets et de sculpter une chronique ou un commentaire, il exposa avec grandeur les principaux points de la religion d’Athènes. Eschyle raconte en métaphysicien la naissance de Minerve, sagesse souveraine, « vraie fille de Jupiter » ; Platon expose en poète comment la pensée de Dieu, immatérielle, incréée, est fille de Dieu même, père de tout ce qui est, providence éternelle qui gouverne le monde. Phidias exprime la même idée dans le langage muet, mais très claire de l’architecture et de la sculpture. On retrouve dans son œuvre la même puissance, la même simplicité, la même grace que dans les vers du poète et dans les dialogues du philosophe ; on voit ici la même pensée, on recueille le même sentiment : c’est l’esprit divin du siècle de Périclès.


III. – LES PEINTURES.

Nous arrivons à la partie la plus difficile peut-être et la plus long-temps controversée de la restauration des temples grecs : nous voulons parler de la coutume

  1. Opere var., III. Milano, 1830.