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été accusé par des auteurs modernes, non-seulement de partialité, mais encore de mauvaise foi. Je vais essayer de montrer l’injustice de cette imputation. Si je parviens à prouver la véracité de l’auteur que j’ai le plus souvent pris pour guide, j’aurai peut-être inspiré quelque confiance dans mon propre travail.

La vie d’Ayala est fort imparfaitement connue, et seulement par quelques passages de ses propres écrits. Son père, don Fernand Perez de Ayala, adelantade[1] du royaume de Murcie, était ami ou client de don Juan d’Alburquerque, ministre tout puissant en Castille pendant les premières années du règne de don Pèdre. Pero Lopez était page de ce roi en 1353[2]. En 1354, à la conférence de Tejadillo, Fernand Perez fut l’orateur des riches-hommes révoltés, et son fils assista à la même entrevue, comme page ou écuyer de l’infant don Fernand d’Aragon, un des principaux chefs des rebelles[3]. Quelques années après la guerre civile, en 1359, on trouve Pero Lopez capitaine dans la flotte castillanne dirigée contre les côtes d’Aragon, et embarqué à bord de la galère royale, d’où l’on peut inférer qu’il avait dès-lors une charge dans la maison de don Pèdre[4].

Il le servit fidèlement jusqu’en 1366. Alors, voyant son souverain abandonner l’Espagne et chercher un refuge en Guyenne, Pero Lopez se crut dégagé de ses sermens et vint offrir son épée à don Henri de Trastamare, l’heureux usurpateur de la couronne de Castille. Il combattit sous ses ordres à la bataille de Navarette, et fut fait prisonnier par les Anglais. Ayant racheté sa liberté par une rançon considérable, il rejoignit don Henri, probablement avant son entrée en Espagne[5], et fut toujours traité par ce prince, de même que par ses successeurs, avec une bienveillance particulière. Sous le règne de don Juan Ier, Pero de Ayala, alferez mayor, ou porte-bannière de l’ordre de l’Écharpe, fut encore une fois fait prisonnier à la bataille d’Aljubarrota. Depuis, il exerça les fonctions de grand-chancelier de Castille. Il mourut dans un âge très avancé, au commencement du XVe siècle.

Ayala a laissé de nombreux ouvrages ; les plus importans, et, à ma connaissance, les seuls qui aient été imprimés, sont ses chroniques de Castille, comprenant les règnes de don Pèdre, don Henri II, don Juan Ier, et une partie du règne de don Henri III[6]. Il traduisit quelques auteurs latins, notamment Tite-Live, qu’il essaya d’imiter, en écrivant l’histoire contemporaine, dans le castillan grossier de son époque. On

  1. Gouverneur réunissant les pouvoirs civils et militaires.
  2. Ayala, p. 90, Abreviada.
  3. Idem, p. 157 et suiv.
  4. Idem, p. 276.
  5. Il était à Burgos auprès de don Henri en 1367. Ayala, p. 517. Abrev.
  6. Il est cependant douteux qu’Ayala soit l’auteur de la Chronique de Henri III. Voir sur cette question Nicolas Antonio, Bibliotheca Hispana vetus, lib. X, cap, I.