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tentés par les bâtards semblait n’avoir eu d’autre résultat que de l’affermir davantage, lorsqu’un événement inattendu faillit jeter de nouveau le trouble dans le royaume et réveiller les rivalités des factions qui se partageaient le pouvoir. Peu de semaines après son avènement, le jeune roi fut atteint d’une maladie grave qui mit ses jours en danger. L’attente de sa mort, regardée comme inévitable, le défaut d’héritier direct de la couronne, l’incertitude ou l’obscurité des lois et des usages relatifs à la succession royale, ouvraient la carrière à bien des ambitions et faisaient présager des contestations sanglantes. Déjà les riches-hommes et les communes se divisaient en deux camps ; on se préparait ouvertement à la guerre. Un reste de respect pour un roi mourant empêchait seul les partis d’en venir aux mains.

Pendant toute la durée de la maladie de don Pèdre, il n’y eut pour ainsi dire plus de gouvernement en Castille. Alburquerque et la reine-mère ne songeaient qu’à rassembler des soldats et surtout à amasser de l’argent pour les éventualités d’une lutte qui pouvait éclater d’un instant à l’autre. Tous les traitemens soldés sur la cassette du roi étaient suspendus ; aussi nulle obéissance, nul respect pour l’autorité. Les grands officiers de la couronne rançonnaient les agens du fisc et s’emparaient des caisses publiques pour s’indemniser, disaient-ils, des retenues qu’on leur faisait injustement subir[1]. Le pillage était général. Il n’y avait pas encore d’armées en campagne, mais partout des bandes de maraudeurs parcouraient le pays et se livraient impunément aux plus criminelles violences.

Les prétendans avoués au trône de Castille étaient don Fernand, infant d’Aragon, et don Juan Nuisez de Lara. Le premier alléguait les droits de sa mère, doña Léonor, sœur aînée du feu roi don Alphonse, solennellement reconnue par les cortès, avant la naissance de ce dernier, comme héritière présomptive du trône de Castille. Du chef de sa mère, il était en effet le premier héritier dans la ligne collatérale. De son côté, don Juan de Lara, ressuscitant des prétentions déjà condamnées par la fortune des armes et les décisions des assemblées nationales, rappelait qu’il était l’arrière-petit-fils du roi Alphonse X et le représentant légitime des infans de La Cerda, descendans du fils aîné de ce prince et dépossédés par son puîné, don Sanche, et les rois qui en étaient issus. À cette époque, le droit politique n’était point fixé, et, bien que les coutumes gothiques attribuassent aux seules cortès le droit de désigner l’héritier de la couronne, l’opinion populaire commençait à s’établir qu’elle devait se transmettre dans la ligne directe. L’infant et don Juan de Lara briguaient tous les deux la main de la reine Marie, mère de don Pèdre, car elle avait ses droits aussi à faire valoir, étant petite-fille de don Sanche

  1. Cortés de Vall. ord. de Fijosdalgo, art. 7.