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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/1054

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Les grands accidens de l’atmosphère, les ondulations du sol, la configuration des montagnes, la physionomie variée des arbres et leurs formes multipliées et caractéristiques, la chaumière cachée sous leur feuillage ou chauffant au soleil son toit couvert de mousse et hérissé par les feuilles charnues de la joubarbe, devinrent dès-lors un objet d’études spéciales. Les premiers paysagistes s’attachèrent à retracer littéralement la nature. Quelques-uns trouvèrent la vérité qu’ils cherchaient, mais aux dépens de l’idéal et en sacrifiant la poésie à la réalité. Les ouvrages de Patenier et du maître à la Houpe ne renferment guère que des indications. Ces artistes, cependant, posèrent un premier jalon sur la route que suivirent résolûment la plupart des grands paysagistes hollandais ou flamands, les Huysmans, les Everdingen, les Pynacker, les Cuyk, les Ostade, les Berghem, les Decker, les haret Dujardin et les Wynants, et où Paul Potier, Ruysdael et Hobbéma marchent en avant de tous, au premier rang.

Lorsque Louis XIV, à qui on présentait un tableau d’un des petits peintres hollandais les plus renommés, disait avec un dédain superbe, et dans lequel perçait un peu de dépit et de rancune : — Otez-moi ces magots de devant les yeux, il faisait une critique sévère, mais juste, des tendances vulgaires de l’art flamand. Un peuple de bourgeois et de marchands enrichis pouvait trouver du charme dans ces représentations exactes d’une nature triviale et grossière qui devaient choquer un goût délicat. Certes, depuis le grand roi, l’école française est singulièrement revenue de cette exclusion dont ses chefs avaient frappé les œuvres de ces peintres. Lebrun et son école, dont la pompe un peu enflée convenait mieux aux magnificences de Versailles, sont à leur tour dédaignés par des juges moins haut placés, mais tout aussi hautains et aussi exclusifs que le détracteur couronné de l’art flamand. La démocratie, qui règne en souveraine dans l’école comme sur la place publique, s’est éprise des œuvres de ces maîtres familiers, et, tout en se proclamant novatrice, la foule y a cherché des modèles ; quelques-uns, plus éclairés et mieux avisés, ont dédaigné une imitation trop littérale, et ont essayé seulement de s’approprier les moyens d’exécution. Hâtons-nous de le dire, non pour justifier ces tendances, mais pour atténuer ce qu’elles pourraient avoir de trop servile et de trop prosaïque, ce sont les maîtres les plus vigoureux et les plus distingués de ces écoles, les esprits les moins grossiers, dont on s’efforce aujourd’hui de reproduire la manière, de deviner et d’appliquer les procédés. Si Brauwer, Adrien Van Ostade et David Téniers ont trouvé quelques imitateurs, Rubens, Van Dyck, Rembrandt, Ruysdael et Hobbéma ont rallié les sympathies les plus nombreuses et les plus relevées.

Il y aurait un curieux travail à faire sur l’influence réciproque que les écoles française et hollando-flamande ont exercée l’une sur l’autre.