autre homme ; ses vastes et pompeuses compositions frappèrent d’étonnement les artistes français, l’éclat de son coloris éblouit leurs yeux ; mais le naturalisme qui dominait dans ses tableaux, et qui, dans ses allégories les plus recherchées, se trahissait par la trivialité du dessin et la pesanteur de la forme, lui enleva une grande partie de son prestige et tint en défiance les peintres du temps, ou tout-à-fait français ou tout-à-fait italiens.
Un seul homme, Simon Vouet, ne montra pas la même indifférence pour cette violente manifestation du génie flamand, qui n’était à ses yeux qu’une dérivation de l’art italien. Simon Vouet avait plus d’adresse que de génie. Dans un long séjour en Italie, il avait su s’approprier successivement la manière des peintres alors en vogue, être sombre et vigoureux avec Caravage, lumineux avec le Guide, éclatant et facile avec Paul Véronèse. À la longue, il s’était formé de toutes ces manières fondues et combinées un style que de nos jours nous appellerions éclectique. Simon Vouet montra pour Rubens la même condescendance que pour les maîtres italiens. Il lui emprunta ce qui convenait le mieux à sa nature et à son talent, c’est-à-dire une liberté d’exécution fort voisine du style lâché, quand la vigueur du coloris ne rachète pas sa mollesse, une ordonnance pompeuse jusqu’à la bizarrerie et certains artifices de clair-obscur inconnus aux maîtres italiens. C’est dans ce style que Vouet, nommé peintre du roi sept ans après l’apparition que Rubens avait faite à Paris, exécuta les nombreux travaux qui lui furent confiés. Cette manière agrandie et plus châtiée se retrouve dans les peintures de Lebrun, son successeur. À travers sa majesté factice, sa pompe académique, il est facile de reconnaître que le premier peintre du grand roi, en composant ses vastes décorations et ses batailles d’Alexandre, s’est souvent rappelé les peintures de la galerie de Médicis. Lafosse, ce Campistron de Lebrun, Jouvenet, plus naturel et plus facile, qui osa peindre après Rubens une Descente de croix, et sut faire oublier sa témérité ; après eux, Largillière et Rigaud, obéirent aux mêmes influences. Aucun de ces artistes ne retrouva la palette du peintre d’Anvers. Philippe de Champagne, Eustache Lesueur et Nicolas Poussin résistèrent seuls à cette influence complexe, comme ils avaient résisté à l’invasion du mauvais goût ultramontain. Ils continuèrent, les deux derniers surtout, la grande tradition italienne épurée, c’est-à-dire relevant directement de la nature et de l’antiquité.
Cette sorte de protestation du génie dédaigné contre la médiocrité triomphante resta sans effet. Les tendances de la peinture française au XVIIIe siècle inclinèrent toutes vers les écoles flamande et hollandaise. L’imitation n’est pas directe, mais l’inspiration est manifeste. Ces peintres, d’un mauvais goût si gracieux, qui rabaissèrent l’art au niveau de leur époque et qui firent de la peinture historique à l’usage des