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continuât. David, de son vivant, put voir son école dominer dans toute l’Europe continentale ; mais sa domination fut suivie d’un soulèvement des nationalités aussi général et d’un retour de fortune aussi prompt que ceux qui précipitèrent de son trône le nouvel empereur d’Occident. L’affranchissement de l’école en France amena son fractionnement. Vingt sectes et vingt manières remplacèrent l’unité académique. La couleur, si méprisée, reprit son prestige. La ligne, esclave si long-temps, s’émancipa follement. La plupart des chefs de la réaction nouvelle choisirent chacun chez les Flamands, de nouveau glorifiés, le modèle typique qui convenait le mieux à son tempérament. Nous ne voulons pas accuser d’imitation littérale des esprits si distingués et parfois si entreprenans, mais il n’est pas difficile de démêler les rapports qui rattachent à leur début MM. Géricault et Delacroix à Rubens, M. Paul Delaroche à Van Eyck et même à Gérard Dow, M. Scheffer à Rembrandt, M. Horace Vernet et son école à Van der Meulen et à Cuyp, M. Gudin à Van den Velde, M. Guignet à Van Dyck, et la plupart de nos paysagistes à Ruysdael, Hobbéma, Huysmans, Decker et Wynants. Ces rapports ne sont pas certainement assez suivis et assez directs pour détruire toute originalité, mais ils ne sont pas moins réels ; on peut les saisir encore dans les diverses transformations qu’a subies la manière de chacun de ces peintres ; l’exagération des imitateurs les a rendus plus frappans.

Les mêmes rapports existent, également, et à des degrés différens, entre la plupart de nos peintres de genre et les peintres flamands ; mais cette fois l’imitation est flagrante et s’attaque autant au fond qu’à la forme. On n’étudie plus seulement des procédés d’exécution, on reproduit la physionomie, les détails du costume et jusqu’à l’attitude des personnages ; nous avons des Metzu, des Terburg, des Gérard Dow, des Ostade et jusqu’à des Jean Steen de récente origine. M. Roqueplan, qui a consulté tour à tour Mieris, Albert Cuyp, Van Dyck et Rembrandt ; M. Decamps, dont la Bataille des Cimbres nous rappelle les mêlées d’Aldtorfer ; M. Meyssonnier, qui joint la finesse et la précision de Gérard Dow au naturel de Netscher, sont ceux de nos peintres de genre qui, tout en étudiant les Flamands, ont su le mieux conserver leur verve et leur individualité.

Par une singulière contradiction, tandis que l’école française abandonnait la tradition académique et se retrempait au coloris des Flamands de la grande époque, l’école flamande contemporaine, obéissant à deux impulsions contraires, imitait la manière française, importée par David lui-même dans la Belgique, ou copiait, la loupe à la main, les anciens maîtres nationaux. L’école actuelle dans les Flandres suit aujourd’hui deux directions analogues. Les partisans des modes françaises ont depuis long-temps délaissé les ateliers de M. Paelinck, Navez