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prendre ombrage, et, après avoir dirigé plusieurs expéditions contre les Daces, qui la contraignirent, sous Domitien, à acheter la paix à prix d’or, elle triompha de ces barbares par la main de Trajan. Au sommet de la colonne trajane, qui nous a transmis les détails de cette guerre, on voit des peuples haletans, fugitifs, tout occupés à pousser devant eux des bœufs au pas lent, et jetant en arrière des regards pleins de tristesse et d’angoisse. Ce sont les Daces qui se dérobent aux poursuites d’un vainqueur sans pitié et disent à leurs champs dévastés un suprême adieu. En effet, la plupart de ceux qui ne succombèrent pas les armes à la main furent rejetés par-delà le Dniester. Les plaines qui s’étendent du Danube au pied des Carpathes se virent dépeuplées, et les montagnes conservèrent seules quelques débris de la race indigène.

La Dacie ne devait pas rester long-temps abandonnée. Il importait à ses nouveaux maîtres de la doter promptement d’une colonisation capable à la fois de féconder et de défendre cette belle province, ouverte aux invasions des barbares. Aussi, par les ordres précis de Trajan, des colons furent-ils appelés de tout l’empire sur la rive gauche du Danube. Rome repeupla ces contrées après les avoir conquises, et des constructions gigantesques marquèrent immédiatement sur le sol l’empreinte non encore effacée de son génie. Les peuples Moldo-valaques sont les descendans des colons romains de la Dacie, et le nom de Roumains (Roumani) est encore aujourd’hui leur nom générique. Le nom de Valaques que l’Occident et la diplomatie leur donnent n’est pas autre chose que le mot de Vlasks ou de Welches par lequel les Slaves, leurs voisins, ont coutume de désigner les races latines en général et les Italiens en particulier.

Lorsque vinrent les grandes invasions des barbares, les colons de la Dacie furent refoulés, les uns dans les montagnes, qui gardèrent le nom de Dacie trajane, les autres sur la rive droite du Danube, où ils formèrent, sous le règne d’Aurélien, la Dacie aurélienne. Après le passage des Avares en Pannonie, au VIIe siècle, les plaines désertes retrouvèrent leur primitive population romaine, laquelle commença à se grouper en petits états qui sont devenus à la fin du XIIIe siècle la principauté de Valachie, et au milieu du XIVe celle de Moldavie. Quant aux colons de la Dacie aurélienne, ils restèrent campés de l’autre côté du Danube, s’allièrent aux Bulgares, avec lesquels ils fondèrent l’empire vlacho-bulgare, qui fut détruit par les Grecs, puis rétabli, et enfin renversé à tout jamais par les Turcs. Ces Vlasks, répandus depuis leur ruine dans la Thrace et la Macédoine, ont continué d’y vivre au milieu des Gréco-Slaves sous le nom de Kutzovlaques, de Morlaques et de Zinzares.

A partir du XIVe siècle, les Moldo-Valaques figurèrent activement dans l’histoire de l’Europe orientale sous le nom de Roumains, respecté en eux par les navigateurs génois ou vénitiens, et même par les papes,