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de l’insurrection de la Moldo-Valachie. Enfin, les hommes qui se sentaient quelque vocation pour les affaires publiques se réunissaient, se pressaient les uns contre les autres en s’encourageant par la certitude que « peu d’hommes de bien rassemblés font plus qu’on ne croit[1]. »

Hélas ! quelques-unes seulement de leurs espérances devaient se réaliser, car en raisonnant sur l’avenir, qui s’annonçait avec des couleurs si séduisantes, les Moldo-Valaques comptaient sans un ennemi nouveau, bien autrement redoutable que les Fanariotes et les Turcs. Depuis le traité fameux de Caïnardji (1774), développé par ceux d’Iassy (1791) et de Bucharest (1812), la Russie s’était arrogé le droit d’intervenir officieusement près de la Porte Ottomane en faveur des Moldo-Valaques, ses coreligionnaires. Enfin elle s’était introduite dans la place, en établissant à Bucharest deux consulats qui, sous air de surveiller, dans l’intérêt roumain, l’administration des Fanariotes, travaillaient, de concert avec les Fanariotes, à constituer un parti russe que l’on voulait un jour déchaîner contre l’empire ottoman. Ce calcul se trouvait trompé par la politique nouvelle du divan, et si bien que le parti national, après avoir, dans l’excès de la souffrance, écouté quelquefois les suggestions de la Russie, était redevenu favorable aux Turcs. C’en était donc fait de la diplomatie russe comme des Fanariotes en Moldo-Valachie, s’il ne se fût conclu entre eux une sorte de mariage d’inclination et d’intérêt par lequel la Russie promettait aux Grecs de leur rouvrir les principautés, à la condition qu’ils y travailleraient pour elle.

Une succession d’événemens qui semblaient combinés par la fatalité vint seconder cette funeste pensée des Russes. Certain de retrouver tous ses avantages s’il amenait le sultan sur le terrain diplomatique, le czar protesta d’abord, par dévouement pour ses coreligionnaires, contre la nomination des hospodars, qui, au lieu d’être directe, eût dû être élective. Sous prétexte d’expliquer les traités précédens, il obtint ensuite la convention d’Akerman (1826), par laquelle il reprit son droit d’intervention officieuse dans les relations diplomatiques des Moldo-Valaques. Puis vint cette guerre dont l’heure fut si savamment choisie, cette guerre de 1828, entreprise au moment même où l’empire turc était encore tout saignant de la perte de la Grèce, et où les réformes de Mahmoud n’avaient encore opéré que par de douloureuses amputations dans ce grand corps malade. Des essaims de barbares, qui comptaient aller s’abattre sur Constantinople, tombèrent sur la Moldo-Valachie désarmée, dévastèrent les campagnes, vainquirent la Turquie sans toutefois la détruire, lui arrachèrent le traité d’Andrinople (1829) et une large contribution de guerre dont les principautés restaient le gage, et dont on espérait sans doute qu’elles seraient le prix ; mais la Turquie

  1. Ces paroles sont de M. Jean Vacaresco, poète et excellent patriote.