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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/371

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des cris et des élans d’enthousiasme. On n’aurait pu guère prévoir alors la triste fin qui lui était réservée. Après quelques années de triomphe et d’enivrement, la cantatrice merveilleuse pour qui fut composé l’air : Di tanti palpiti e di tante pene…, cet hymne de la jeunesse et de l’amour qu’elle a probablement inspiré, la Malanotte mourut délaissée et presque folle à l’âge de quarante-sept ans.

La musique bouffe italienne trouva dans Marietta Marcolini, comme dans la Gaforini, un digne et charmant interprète. Marietta Marcolini commença à se distinguer comme cantatrice vers 1805. Sa belle voix de contralto, qui ne montait tout au plus qu’au fa dièse, était d’une flexibilité surprenante. Rossini eut l’occasion de la connaître d’abord en 1811, à Bologne, où, âgé de dix-neuf ans, il écrivit pour elle l’Equivoco stravagante. En 1812, il la retrouva à Milan, et composa pour la Marcolini la Pietra del Paragone ; puis, en 1813, l’Italiana in Algeri à Venise, dans la même année et dans la même ville qui virent naître Tancredi. C’était une cantatrice délicieuse dans l’opéra buffa. Elle avait un brio, un entrain, une gaieté aimable et facile, qui se communiquaient et rayonnaient comme la lumière. Les airs de bravoure, écrits à sa demande, qui terminent la Pietra del Paragone et l’Italiana sont restés comme un doux témoignage de l’admirable flexibilité de sa voix et de l’heureux ascendant qu’elle avait su prendre sur le génie du premier compositeur dramatique de notre temps.

Une vocation toute différente appelait la Pisaroni à l’interprétation des chefs-d’œuvre tragiques de Rossini. Benedeta-Rosamonda Pisaroni naquit à Plaisance en 1793. Après avoir appris la musique sous la direction d’un maître obscur de sa ville natale, elle prit des leçons de chant du fameux castrat Marchesi, qui lui enseigna les principes de la belle école du XVIIIe siècle. Lorsqu’elle débuta à l’âge de dix-huit ans par les rôles de la Griselda et de la Camille de Pair, Mme Pisaroni avait une voix de soprano aigu. Après une grave maladie qu’elle fit vers 1813, elle perdit plusieurs notes dans le registre supérieur, tandis que les cordes basses acquirent une sonorité puissante et inattendue. Alors elle se vit obligée de chanter les rôles écrits pour la voix de contralto, et devint l’une des plus grandes cantatrices de son temps. Mme Pisaroni racheta l’inégalité de sa voix par un style grandiose et di portamento qui rappelait la manière large de Pachiarotti et de Guadagni. Elle vint à Paris en 1827, et débuta par le rôle d’Arsace de Semiramide. Toute la salle fut transportée d’enthousiasme lorsqu’on entendit Mme Pisaroni dire d’une voix formidable : Eccomi in Babilonia. Elle fut aussi admirable dans le duo avec Assur : È dunque vero, audace ? et dans celui du second acte entre Semiramide et Arsace : Eh ! ben a le ferisci ? Elle prouva à Mme Malibran que la jeunesse, la voix, l’énergie et même les soudainetés du génie ne peuvent pas toujours lutter avec avantage contre un style simple, grand et vrai. Rossini écrivit pour Mme Pisaroni le rôle de Malcolm dans la Dame du Lac, et puis le rôle de Ricciardo dans Ricciardo e Zoraïde.

Ce fut aussi un talent merveilleusement préparé pour traduire les créations sérieuses de Rossini qu’on admira dans Judith Negri, si célèbre sous le nom de Mme Pasta. Née à Como d’une famille israélite, en 1798, elle étudia d’abord la musique dans une petite école fort obscure, et puis fut admise au conservatoire de Milan, alors placé sous la direction d’Asioli. Sa voix sourde, inégale et pâteuse de mezzo-soprano eut beaucoup de peine à s’assouplir, et jamais Mme Pasta ne fut complètement maîtresse de cet organe rebelle. Elle s’essaya d’abord sur