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de potasse caustique dans 100 grammes d’eau distillée), et l’on observe avec le microscope ou une simple loupe les phénomènes qui s’y passent. L’œil le moins exercé constate aussitôt le volume énorme des grains de fécule, dont le diamètre est dix fois plus grand que celui des granules de blé. La différence est encore plus facile à saisir quand on verse de l’eau iodée sur le mélange préalablement desséché, car, la fécule prenant une couleur bleue, les contours des granules sont mieux dessinés. Veut-on poursuivre la fraude dans un pain suspect, il suffit d’en prendre un gramme, de l’humecter avec une dissolution de potasse, d’en exprimer par une légère pression le liquide qui doit être ensuite examiné à l’aide du microscope. Il est vrai que la cuisson altère un peu la forme des granules que l’on ne reconnaît plus que difficilement de prime-abord ; mais ceux-ci se détachent avec une plus grande netteté, quand la matière a été desséchée et humectée ensuite avec une dissolution d’iode. Le procédé de M. Donny permet de constater dans la farine la quantité la plus minime de fécule de pomme de terre. On concevrait même la possibilité d’en découvrir un seul grain, si l’on avait le temps et la patience de le chercher.

La fécule de pomme de terre n’est pas, nous l’avons dit, la seule substance qu’on emploie dans la falsification des farines. Il fallait donc, pour ne laisser aucune prise à la fraude, rechercher les moyens de combattre les autres procédés de sophistication. Quand la farine de froment est combinée avec celle des légumineuses, le mélange a une odeur et une saveur qui inspirent la méfiance. La farine de haricot empêche une panification régulière, et celle de pois, qui se mélange mal avec celle de froment, est reconnaissable par une teinte verdâtre qui se présente à l’œil sous forme de stries et de plaques. Ces diverses farines renferment toutes une substance découverte par M. Braconnot, et connue en chimie organique sous le nom de légumine, substance que l’eau dissout comme du sucre, et que le vinaigre précipite au contraire au fond du vase qui renferme la dissolution. Si, sous l’influence des mêmes réactifs appliqués aux matières contenues dans la farine de froment, les mêmes phénomènes de dissolution et de précipitation ne se reproduisaient pas, rien- ne serait plus facile que de distinguer d’une farine pure celle qui serait adultérée par des farines de légumineuses. Malheureusement des expériences comparatives plusieurs fois répétées par M. Donny n’ont pas permis de saisir entre les altérations déterminées par l’eau et le vinaigre, dans les farines de féverolle et les farines de froment, des caractères différentiels bien tranchés. Le vinaigre troublait dans les deux cas, quoiqu’à divers degrés, l’eau qui avait servi au lavage des deux sortes de farine. C’est donc à un autre procédé qu’il faut avoir recours. M. Donny fait remarquer que la farine des légumineuses renferme toujours des fragmens d’un tissu cellulaire dans l’intérieur duquel sont emprisonnés des granules d’amidon. Or, ceux-ci, comme on le sait, sont solubles dans la potasse, qui laisse d’ailleurs la charpente celluleuse parfaitement intacte. Une farine qui, après avoir été soumise à l’action de la potasse sur le porte-objet microscopique, présente ce tissu cellulaire, est donc sophistiquée avec des farines de légumineuses. Le mélange a-t-il été fait avec la farine de vesce ou de féverolle, M. Donny indique des caractères qui, dans l’un et l’autre cas, dénoncent la falsification. Si, dit-il, on expose successivement le mélange à l’action des vapeurs de l’eau-forte (acide azotique) et à celle de cet alcali volatil que, dans le langage scientifique, l’on nomme ammoniaque,