loin de Vittoria. Leur arrière-garde était encore à sept lieues du corps de bataille, et ils ne doutaient point que don Henri ne poussât sa pointe. « Ce jour-là, dit Froissart, le prince eut mainte angoisse au cœur, pour ce que son arrière-garde destrioit tant à venir. » Cependant il était résolu à ne point refuser le combat, et son sang-froid ne l’abandonna pas un instant. Sur le point de prendre part à une bataille, il était d’usage que les jeunes gentilshommes qui n’étaient point encore armés chevaliers se fissent donner l’accolade, ceindre l’épée et chausser les éperons d’or par les chefs de leur armée. Telle était la cérémonie qui conférait le titre de chevalier, titre déjà sans importance, et qui servait tout au plus à prouver que celui qui le portait avait assisté à une bataille. Don Pèdre voulut recevoir l’ordre de chevalerie de la main du prince Édouard, qui le conféra ensuite à son beau-fils, le prince Thomas de Hollande, et à plusieurs autres jeunes seigneurs. Plus de trois cents écuyers furent armés chevaliers ce jour-là, soit par le prince, soit par les nouveaux chevaliers, soit par les chefs les plus considérables de l’armée anglaise[1]. Mais ce n’était pas sur ce terrain que ces jeunes guerriers devaient gagner leurs éperons. Don Henri demeura immobile sur les hauteurs, fermant le chemin de Burgos, et déterminé à ne pas quitter son excellente position. Édouard avait trop d’expérience pour l’y attaquer. Il résolut d’aller chercher un autre champ de bataille.
Sauf les défections dont nous avons parlé, le début de la campagne n’avait rien d’encourageant pour l’armée anglaise. Elle laissait déjà en arrière un grand nombre de malades. La neige, le changement de nourriture et même la disette avaient fait périr beaucoup de chevaux[2]. Le soldat, d’abord rempli d’assurance, commençait à regarder avec découragement ces montagnes inaccessibles toujours chargées de brouillards, et à redouter cette guerre de surprises toute nouvelle pour lui. La maraude, le fourrage, étaient presque impossibles devant les nombreux génétaires castillans et les agiles montagnards de la Biscaïe. Le prince de Galles, désespérant de se maintenir dans l’Alava faute de vivres, rentra en Navarre, mais pour déboucher en Castille sur un autre point. La ville de Logroño, demeurée fidèle à don Pèdre, a un pont sur l’Ébre qui ouvre une route de la Navarre en Castille. En la suivant, on évite les passages difficiles que présentent les montagnes au sud de Vittoria, et l’on arrive plus sûrement, quoique avec plus de lenteur, sur Burgos. Ce fut vers Logroño que se dirigea l’armée anglaise en quittant l’Alava. Aussitôt que don Henri eut connaissance de