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ses annexes et qui obéissent à la loi du Coran, contient tous les passages possibles vers ce grand Orient aux populeuses contrées, sur lesquelles l’Angleterre a assis sa domination. L’Angleterre est donc extrêmement facile à inquiéter à propos de tout ce qui se passe dans le Levant ; elle prend aisément ombrage de tous les changemens qui s’y accomplissent, de toutes les forces qui s’y développent, et c’est naturel. La donnée politique admise par l’Angleterre et formulée par le mot d’untoward event, appliqué dans un discours de la couronne à la bataille de Navarin, que l’empire ottoman n’est pas un cadavre et qu’on peut en faire un état valide, est une chimère, je n’en doute pas ; mais la théorie de la nationalité arabe est plus fantastique encore. En la soutenant, le cabinet français faisait du roman. Malheureusement le roman était désobligeant pour notre alliée la Grande-Bretagne. Nous travaillions ouvertement à constituer, dans la partie du Levant qui offre le passage le plus commode entre l’Europe et l’Asie lointaine, une puissance qui affectait le caractère maritime, et à nous en faire un client exclusivement dévoué à nos projets. Peut-être se flattait-on que nous retrouverions là quelque jour l’appui que nous avions eu dans la marine espagnole avant Trafalgar. Je l’ignore, mais enfin cet échafaudage s’élevait contre quelqu’un, et contre qui était-il possible que ce fût, sinon contre l’Angleterre ? Que si nos démarches n’avaient pas cet objet, ce n’était pour nous qu’une affaire de vanité. Alors je pourrais dire : Fatale vanité que celle qui compromet une alliance précieuse ; triste politique qui, pour une gloriole, risque un intérêt de premier ordre, le repos même du monde ! D’ailleurs, les Anglais, gens pratiques, voient toujours au-delà de la vanité un autre but. Enfin la manière dont l’intrigue du roman était conduite n’était pas propre à rassurer sur nos prétentions. En un mot, le cabinet anglais eut de grands torts à cette époque, il eut les plus grands de tous ; mais il n’y a aucun inconvénient aujourd’hui à reconnaître que nous en eûmes beaucoup aussi et que nous avons eu les premiers.

Ce déplorable traité eut plus de retentissement de ce côté-ci du détroit que de l’autre. La masse de la nation française s’associa au ressentiment manifesté par son gouvernement, bien plus que la nation anglaise ne partagea l’animosité du cabinet britannique, ou plutôt de l’homme irritable qui avait entraîné lord Melbourne et ses collègues. On le vit bien lorsque la sagesse royale eut chez nous changé le ministère. Entre l’avènement du ministère du 29 octobre chez nous et la chute du cabinet Melbourne, il y eut près d’un an d’intervalle. Cependant, dès le début, le langage de tous les orateurs dans le parlement fut rempli de ménagemens pour la France. Je ne crois pas qu’il y ait dans les annales du monde pareil exemple d’un empressement unanime à rechercher une réconciliation avec une grande nation. Chacun, en Angleterre,