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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/516

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à la popularité des sacrifices qui ne la lui conciliaient point, par la raison que c’était impossible, et d’où il ne pouvait sortir que des embarras pour le gouvernement, de la gêne et de l’appauvrissement pour la patrie. J’imagine que Casimir Périer, dans la même situation, se fût comporté différemment.

Ce qui se passait en France procédait donc de cette notion d’un patriotisme ardent, mais peu éclairé, qu’une rupture avec l’Angleterre et une guerre offriraient le moyen de rétablir la grandeur de la France au plus haut point où elle soit jamais parvenue. L’idée de la paix se lie pour le public à celle de notre humiliation par les traités de 1815. Refaire à la patrie une position digne d’elle, telle doit être l’ambition de tous les Français. Je ne dirai pas seulement que je l’admets ; je voudrais avoir la parole d’un Démosthène ou la lyre d’un Tyrtée pour le faire entendre à mes concitoyens. Quand nous prononçons le nom des traités de 1815, il faut que ce soit avec tous les signes de la douleur ; mais c’est une erreur dangereuse que de supposer qu’on peut refaire la position de la France par la guerre. C’est par la guerre que nous avons succombé. Notre faute sous l’empire fut d’avoir aimé la guerre pour la guerre et pour la domination. Dans l’ivresse de la gloire militaire, nous avions oublié le point de départ : en effet, nous avions commencé par vouloir la liberté de l’Europe, et nous en étions devenus les tyrans. Nous en fûmes cruellement punis ; ne recommençons pas cette fatale méprise. Si, pour restaurer son influence, la France invoquait la chance des combats, elle ne réussirait qu’à susciter une coalition nouvelle, que cette fois elle trouverait tout organisée, toute prête, et il est dans la nature des choses qu’on finisse par succomber quand on est seul contre tous.

Les traités de 1815, s’ils sont néfastes dans les événemens qui les précédèrent et odieux par l’intention de nous abaisser qui les dicta, étaient caducs du jour où ils furent signés, parce qu’ils ne pouvaient atteindre la cause de notre force. La force de la France n’est pas dans ses armes, quelque redoutables qu’elles soient ; elle est dans les principes nobles et généreux de 1789. On nous croyait vaincus, et c’est encore nous qui étions les vainqueurs, quand on traitait de nous et sans nous à Paris ; car, pour réunir les nations contre nous, il avait fallu proclamer nos principes. Qui ne se souvient des promesses royales en Allemagne, en Italie, en Pologne ? Ces principes immortels restèrent en tête de nos lois, et ils planèrent sur le monde comme la plus douce espérance des peuples. On croyait avoir pour toujours coupé les ailes de l’aigle ; on vit, en 1830, si elle pouvait reprendre son essor. Nos ennemis purent juger alors si nous n’étions pas en possession encore de la première autorité dans le monde entier, quand nous arborions noblement les principes de 1789. Il est vrai que nous le fîmes à ce moment avec autant de