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— Est-il nécessaire que vous me le disiez, ma tante ? Répondit Clémentine en souriant et en baissant les yeux. Je ne puis me tromper il n’y a ici qu’une seule personne…

— Une seule personne que vous puissiez épouser, interrompit Mlle de Saint-Elphège d’un air de décision ; vous avez raison, ma nièce. On n’a pas cherché plus loin effectivement, et on vous marie avec le baron Barjavel !

— Mon cousin ! s’écria Clémentine avec un mouvement inexprimable d’étonnement de désespoir et de refus.

— Est-ce que vous aviez pensé à un autre ? demanda froidement Mlle de Saint-Elphège.

Elle ne répondit pas, et, cachant son visage dans son mouchoir, elle se prit à pleurer. La vieille fille la considéra avec une colère mêlée de compassion, ne sachant si elle devait provoquer ses confidences ou feindre de n’avoir pas compris le motif de cet explosion de douleur et de larmes. Après un instant d’hésitation, elle se décida pour le dernier parti, convaincue que cette manifestation spontanée n’aurait pas de suites, et que, le premier mouvement passé, Mlle de l’Hubac se laisserait marier sans résistance. Au lieu de la sermonner et de la tourmenter, elle lui dit simplement : — Tâchez de vous calmer, ma pauvre enfant. Il est tout naturel que vous n’appreniez pas sans trouble que l’on a disposé de votre main ; mais cette nouvelle ne devrait pas vous mettre ainsi hors de vous. Allons ! je vais appeler Josette, afin qu’elle vous couche et que vous puissiez reposer un peu. Songez que demain matin il vous faudra paraître devant votre grand-oncle et l’assurer de bonne grace que vous êtes prête à lui obéir.

— Oh ! non, non, je ne dirai pas cela ! Murmura Clémentine à travers ses sanglots. Mais Mlle de Saint-Elphège feignit de n’avoir pas entendu cette espèce de protestation ; elle appela Josette, lui commanda de préparer un verre d’eau de mélisse et de déshabiller sa maîtresse. Mlle de l’Hubac se laissa mettre au lit, toujours pleurant et suffoquant ; elle prit le breuvage calmant que lui présenta sa tante Joséphine, puis, au moment où celle-ci se disposait à la quitter elle s’écria en se soulevant les mains jointes : — Je vous en supplie, ma tante, écoutez-moi sans colère… Il faut que je confesse devant vous tous les sentimens de mon cœur…

— N’ajoutez pas un mot, Clémentine, interrompit Mlle de Saint-Elphège d’un air sévère et triste ; une fille de votre rang, une ville élevée comme vous ne peut avoir dans son cœur qu’un sentiment, celui de l’obéissance, d’une soumission absolue à ses devoirs. Priez Dieu de vous inspirer de bonnes pensées, et disposez-vous à paraître demain devant mon oncle pour l’entendre déclarer votre mariage. À ces mots, elle la baisa au front et se retira, non sans lui recommander encore de