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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/70

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clos, vingt contre vingt ou cent contre cent, car « ce n’est pas raison, disait-il, que des rois combattent seuls[1]. » Suivant Tomich, auteur catalan fort exact, Pierre IV, petit et faible de corps, redoutant la force et l’adresse de don Pèdre, aurait chargé Bernard Galceran de Pinos, chevalier aragonais, célèbre par ses prouesses et sa vigueur, de défier son rival par devant le pape. Avec un tel second, Pierre IV se croyait invincible. Galceran habitait alors Avignon, banni de Barcelone pour un meurtre. Acceptant avec joie cette mission honorable, il vint porter au saint-père son gage de bataille, et plusieurs jours de suite fit proclamer que son maître accusait le roi de Castille de trahison et le défiait au combat avec tel second qu’il voudrait choisir[2]. Quelle que fût la forme du cartel, don Pèdre n’en tint compte ; c’était à la tête d’une puissante armée qu’il voulait se présenter devant son adversaire.


XII.

EXPEDITIONS MARITIMES CONTRE L’ARAGON. — 1358-1359.


I.

Au commencement de l’été de 1358, douze galères castillannes étaient dans le Guadalquivir prêtes à prendre la mer. Avec cette petite flotte, renforcée de six galères génoises à sa solde, don Pèdre cingla vers les côtes de Valence, pendant qu’un corps de six cents hommes d’armes partant de Murcie s’avançait pour soutenir ses opérations. Arrivé en vue de Guardamar, ville appartenant à l’infant d’Aragon, le roi débarqua ses équipages, et les ayant réunis à ses troupes de terre, exactes au rendez-vous, il fit donner l’assaut avec beaucoup de vigueur. Les assiégés, chassés de l’enceinte extérieure par une grêle de flèches, se réfugièrent dans le donjon, où ils tinrent ferme. Pendant que le roi, poursuivant son premier succès, se préparait à les forcer, une bourrasque soudaine s’éleva et poussa ses navires à la côte. Privés d’une partie de leurs équipages et hors d’état de manœuvrer, la plupart allèrent se briser sur la plage. Deux galères seulement, une castillanne et une génoise, parvinrent à gagner le port de Carthagène. Don Pèdre, perdant avec sa flotte son matériel de siège, et désespérant d’enlever d’assaut le donjon, se retira sur Murcie, mais ce ne fut pas sans avoir déchargé sa fureur sur la ville de Guardamar, qu’il livra aux flammes[3]. Les

  1. Zurita, p. 289.
  2. Zurita, p. 289, verso. Les Mémoires de Pierre IV (dans Carbonell) ne mentionnent pas cette anecdote, à laquelle Zurita paraît ajouter créance. Elle est rapportée également par Abarca, Anal. de Ar., l. XXIV, cap. 7, § 11.
  3. Ayala ; p. 249.