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suspecte, car, au regard haineux qu’il vous a lancé, je présume que le premier coup de couteau que vous recevrez sera de sa main.

— Croyez-vous ? dis-je assez troublé de ce fâcheux pronostic.

— J’ai cédé, ma foi, trop vite à mon premier mouvement, reprit Fuentes, qui sembla réfléchir, et se ravisant bientôt

— Si nous y retournions ? peut-être pourriez-vous remettre les choses au point où vous les avez laissées, et cette fois je vous aiderais au besoin.

Le regret d’avoir laissé passer sans en profiter une occasion de querelle ne perçait que trop clairement dans les paroles de Fuentes. Je refusai sèchement le concours qu’il m’offrait, et je me dis en moi-même que, décidément, le second mouvement du mineur valait beaucoup moins que le premier.

— Vous ne voulez pas ? me dit-il. Soit ! Après tout, qu’importe un coup de couteau de plus ou de moins ? J’en ai reçu trois, et je ne m’en trouve pas plus mal.

Je ne crus pas devoir relever cette réponse, qui me montrait mon guide sous un jour assez peu favorable, et je coupai court aux confidences de Fuentes en lui demandant quelques détails sur la mine dont les bâtimens se dessinaient de plus en plus distinctement devant nous.


II

Les premiers travaux d’une mine s’exécutent d’abord, comme on sait, à ciel ouvert. On se contente pendant long-temps d’extraire le minerai en suivant la veine ; mais, à mesure que l’on creuse, deux obstacles se présentent : l’extraction du minerai devient plus coûteuse, puis on ne tarde pas à rencontrer des eaux qu’il faut épuiser sous peine de voir tous les travaux envahis par ces infiltrations souterraines. On creuse alors un puits perpendiculaire pour communiquer avec le filon par une galerie horizontale qu’on nomme plan ou cañon. A mesure que la profondeur des travaux augmente, on continue le creusement du puits, et c’est ainsi souvent que plusieurs galeries communiquent avec cette artère principale, et qu’on est parfois forcé d’en creuser une ou deux autres. Ces puits et ces galeries ne tardent pas à être augmentés, dans les mines les plus riches, de travaux souterrains destinés à faciliter le service intérieur, l’extraction des eaux et du minerai. A cet effet, des machines appelées malacates sont construites au-dessus de l’orifice de chaque puits. Ces malacates sont mus, par huit ou neuf chevaux, et les cordes qui s’enroulent et se déroulent alternativement sur un tambour font monter jusqu’au jour le minerai dans des sacs de toile d’aloès, et l’eau dans d’énormes boras (outres) de peau de boeuf. Le minerai