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Quelques-uns des vers peu nombreux qui ont survécu à l’ouvrage de Varron d’Atax semblent se rapporter à cette imitation. Il y est de même question d’un observateur des phénomènes célestes, qui pourrait bien être Pythagore, car le poète lui fait entendre cette harmonie des sphères, cette lyre des cieux, comme dit Lamartine, que Pythagore avait imaginée, que lui avait empruntée Platon, et dont, au temps de notre poète, l’académicien Cicéron avait, dans sa République, enchanté en songe les oreilles de Scipion.

Il ne paraît pas, au reste, que Varron ait répandu beaucoup de clarté sur les obscurités de la cosmographie pythagoricienne, qu’il ait eu le droit de dire, comme Lucrèce : Obscura de re lucida pango Carmina. Les ténèbres ou les lueurs douteuses de son exposition désespéraient encore, au IVe siècle, Licentius, qui écrivait lui-même assez obscurément à son ami Augustin, déjà évêque en Afrique :

« Quand je veux pénétrer dans les mystérieuses profondeurs du livre où voyage Varron, la vue de mon esprit est comme émoussée, il recule plein d’effroi devant la lumière qui le frappe. Faut-il s’en étonner ? Chez moi languit l’ardeur de l’étude, quand tu ne lui tends pas la main ; elle n’ose seule prendre l’essor. A peine un savant désir m’a-t-il poussé à parcourir la suite difficile des démonstrations d’un si grand homme, à en chercher, à travers leurs saints voiles, le sens caché, à apprendre de lui quels tons composent l’harmonie qui règle le chœur des astres et charme l’oreille du dieu de la foudre, que la grandeur de ces objets accable mon intelligence et l’enveloppe comme d’un nuage, Alors, tout hors de moi, j’ai recours aux figures que l’on trace sur le sable et rencontre encore d’épaisses ténèbres, en somme la cause des lumineuses révolutions de ces astres, qu’il nous montre à travers les nuages comme perdus dans l’espace[1]. »

Les autres vers de Varron nous sont connus, pour la plupart, ou par Virgile, qui leur a fait grand honneur en les copiant, ou par ses scholiastes, Servius et autres, qui nous ont dénoncé son larcin. On y remarque, fort élégamment exprimés, quelques-uns de ces pronostics qui, avant d’arriver à Virgile par Varron, étaient venus à ce dernier, par Cicéron, d’Aratus, leur premier interprète, si toutefois c’est bien Aratus qui, pour en orner ses vers, les a le premier tirés des ouvrages météorologiques d’Aristote et de Théophraste. Varron les avait-il insérés dans sa Chorographia ? Cela est douteux. Ces pronostics semblent mieux convenir à ses Libri navales, navigation poétique, de mers en mers, d’îles en îles, sur tous les rivages, qui lui avait probablement mérité de la part d’Ovide le titre de velivoli maris vates, et où nous savons qu’il avait décrit les signes de la tempête.

Ainsi, dans le VIIe siècle de Rome, où finissaient sa tragédie et sa comédie, laissant la place aux autres genres long-temps supprimés par leurs succès et particulièrement au genre didactique, la navigation et

  1. Licent. Carm, ad Augustinum, 1, sqq. Voy. Wernsdorf, Poet. lat, minor.