effets. Pourquoi, dans l’éloquence de M. de Lamartine, le dessin n’est-il pas aussi pur que les couleurs sont éclatantes ? Il devrait demander à M. de Rémusat l’heureux secret de déduire sa pensée avec autant de mesure que de fermeté. MM. Duvergier de Hauranne et de Maleville ont été les interprètes incisifs des plus grandes vivacités de l’opposition, dont M. Dufaure s’est au contraire attaché à calmer les colères, tout en restant l’adversaire du cabinet. Enfin toutes les grandes questions tant étrangères qu’intérieures ont eu pour organe M. Thiers, qui s’est multiplié, et auquel personne à coup sûr, quand il occupe la tribune, ne conteste le titre de chef de l’opposition. Qui peut lutter avec ce talent supérieur et cette parole de maître ?
Un seul homme. Sans reproduire ici un parallèle toujours présent aux esprits, M. Guizot a porté le poids des débats, et quels débats, grand Dieu ! avec une puissance qui a ramené ses adversaires au respect. Il a toujours occupé la tribune avec une imposante autorité, plusieurs fois avec un admirable ascendant. La plus haute rectitude d’esprit et la fermeté d’un véritable homme d’état caractérisent l’éloquence de M. Duchâtel, dont l’influence sur les esprits pratiques augmente tous les jours. M. Dumon et M. Hébert ont partagé avec talent, avec énergie, la défense de la politique du cabinet. Le rapporteur de l’adresse, M. Vitet, a su mettre avec beaucoup d’à-propos et de chaleur la gauche en contradiction avec elle-même ; M. de Morny a trouvé moyen, avec tact et élégance, d’exprimer à la tribune ses sympathies réformistes sans se séparer de la majorité conservatrice. Non, tous ces débats ne sont pas stériles ; les questions s’y élaborent, les solutions s’y préparent. C’est ainsi que, dans un an, la réforme parlementaire s’inscrira dans nos lois. Tels sont les procédés laborieux par lesquels les peuples libres perfectionnent leur législation.
Au milieu des orages de la politique intérieure, les questions extérieures ont été momentanément perdues de vue. Il faut convenir d’ailleurs que la discussion engagée sur les affaires de la Suisse n’a présenté ni toute la vivacité, ni tout l’intérêt qu’on en attendait ; elle avait été en grande partie épuisée et par la polémique de la presse, et par les débats de la chambre des pairs. De plus, un accident assez vulgaire, nous voulons dire la grippe, a fermé la bouche et tari l’éloquence de plusieurs des principaux orateurs de la chambre. M. de Lamartine et M. Berryer se sont trouvés réduits à un silence forcé, et nous avons vu le moment où, M. Guizot et M. Thiers subissant eux-mêmes cette influence malencontreuse, le combat allait finir faute de combattans. Autant M. Thiers s’était montré sage et réservé sur la question italienne, autant il a été vif sur la question suisse. M. Thiers a été premier ministre, il peut le redevenir ; comment donc a-t-il pu se déclarer si ouvertement pour un état de choses, pour des actes qui causent de sérieuses alarmes aux amis de la paix européenne ? M. Thiers a pris dans l’affaire suisse la position qu’avait prise M. de Lamartine dans la question italienne. Heureusement pour lui, les exagérations auxquelles il s’est laissé entraîner ont été en partie corrigées par la citation qui a été faite de ses anciennes dépêches. Nous préférons, nous l’avouerons sans détour, les opinions qu’il a consignées dans ses dépêches de 1836 à celles qu’il a exprimées dans son discours de 1848. Au reste, dans ces derniers débats, on a pu voir, par le langage de M. Thiers sur l’Italie, qu’il savait, quand il le voulait bien, se renfermer dans les limites d’une politique modérée.