Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/822

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Adieu tout ce que j’aurai aimé sur la terre !… Puis elle se rejeta brusquement au fond de la litière et donna l’ordre de partir.

La journée était d’une sérénité radieuse ; il faisait un de ces clairs soleils de novembre qui raniment un moment la nature frappée déjà des rudes atteintes de l’hiver. Quelques papillons aux ailes nacrées voltigeaient encore dans l’atmosphère radoucie et butinaient sur les pâles fleurettes que le dernier souffle de l’automne avait fait éclore entre les rochers. Mlle de l’Hubac avait entr’ouvert le rideau de cuir de la litière et de temps en temps elle jetait un long regard sur les pentes rapides où elle avait vu si souvent Antonin et le bon abbé travailler avec tant d’ardeur à leurs collections d’histoire naturelle. Tout à coup la litière s’arrêta, et le valet qui montait le mulet de devant se retourna en disant à la duègne : — Avertissez mademoiselle que quelqu’un s’avance pour lui parler.

Au même instant, Clémentine aperçut au bord du chemin, près de la Grotte-aux-Lavandières, Alice qui l’attendait, conduite par sa nourrice. La petite fille tendit les mains vers elle et lui cria dans son langage enfantin qu’elle venait lui dire adieu. Clémentine se pencha à la portière toute pâle et tremblante, prit la fille de M. de Champguérin dans ses bras et la serra sur son cœur avec une émotion inexprimable. Alors l’enfant dit en lui montrant la croix de pierreries attachée à son cou : — C’est madame ma mère qui m’a dit de venir. et de vous remercier… et puis encore qu’elle vous assurait de son amitié.

— Bien, ma chère le répondit Mlle de l’Hubac d’un ton pénétré ; vous lui direz que j’en suis reconnaissante et que je m’en vais satisfaite, puisqu’elle vous a envoyée ici.

— Vous ne reviendrez plus ? demanda naïvement Alice.

— Jamais plus ! lui répondit Mlle de l’Hubac en baisant ses cheveux blonds.   — Madame ma mère m’a dit que j’irai vous trouver quand je serai grande, ajouta la petite fille comme frappée d’un souvenir subit.

— Est-ce vrai ? s’écria Clémentine en regardant la nourrice. Celle-ci fit un geste affirmatif…

— Ah ! chère, chère enfant murmura Mlle de l’Hubac en serrant Alice dans ses bras avec transport, on te donnera à moi !… va j’ t’aimerai. adieu, mon doux ange, adieu, je vais t’attendre !


Mme CHARLES REYBAUD.