servir de texte à ses leçons ; il la fit précipitamment et sans grand appareil scientifique. Cette digression ne l’avait pas éloigné beaucoup de son sujet favori. En 1785, il fit paraître, pour les besoins de l’enseignement, une édition classique de l’Iliade et de l’Odyssée, après quoi il se remit plus activement à l’ouvrage ; sa tâche était double : il voulait à la fois fixer le texte des poèmes homériques et en tracer l’histoire. Comme éditeur, son but n’était pas de proposer des conjectures nouvelles ; il voulait plutôt faire justice des anciennes, et dégager le texte des altérations successives qu’il avait subies. Choqué du vernis de vulgaire élégance sous lequel on avait effacé l’originalité du poète, il protestait contre la fausse science au nom de la vraie. Son ambition n’allait pas cependant jusqu’à rechercher la forme primitive de l’Iliade et de l’Odyssée : il tentait une réhabilitation historique, et ne voulait pas remonter au-delà des données positives de l’histoire. Son seul désir était de retrouver l’Homère des Alexandrins, de le constituer tel qu’il eût obtenu les suffrages de Plutarque, de Longin, de Proclus. Pour cela, il avait commencé à étudier avec un soin minutieux le long commentaire d’Eustathe ; il avait lu les scholiastes, les grammairiens anciens, puis il était revenu aux purs écrivains de l’antiquité tels qu’Hérodote et Platon, pour y trouver quelques vestiges du langage homérique. Il s’arrêta long-temps aux poètes d’Alexandrie, dont la muse savante le rejetait bien loin d’Homère, mais qui lui permettaient, à travers leurs imitations, de reconnaître les leçons qu’ils avaient suivies de préférence. Quelquefois aussi, Wolf, dans ses heures de repos, se laissait aller à des impressions poétiques. Las de réfléchir, il rêvait et semblait se souvenir ; ou bien il chantait, en s’accompagnant à la façon des rapsodes, des fragmens de l’Iliade et de l’Odyssée.
La fortune lui tenait en réserve un secours précieux. L’année 1788 avait été signalée par un événement considérable dans l’histoire de la critique, la publication des scholies de Venise découvertes en 1781 par D’Ansse de Villoison, et depuis impatiemment attendues[1]. Outre un nouvel exemplaire de l’Iliade, le manuscrit contenait un grand nombre de jugemens de Zénodote, d’Aristarque, de Cratès et de beaucoup d’autres. Tous les vers suspects étaient marqués des signes en usage à Alexandrie. Seul, Wolf pouvait comprendre la portée d’un tel document. Villoison lui-même ne l’avait pas soupçonnée : quand il put s’en rendre compte, il déplora sa découverte, il gémissait en songeant que ce qu’il avait cru un nouveau monument à la gloire d’Homère devenait une arme contre lui. Cependant Wolf retrouvait dans les scholies de Venise la confirmation
- ↑ Homeri Ilias ad veteris codicis fidem recensita. Scholia in eam antiquissima ex eodem codice aliisque, cum asteriscis, obeliscis aliisque signis criticis… Venetiis, 1785.