vieille par son objet, et qui pourtant ne date guère que de Heyne. On peut regretter néanmoins que Wolf n’ait pas pénétré plus avant dans ces mystères ; ses travaux sur Homère eussent pu y gagner encore, ainsi qu’à une connaissance plus approfondie des rares fragmens qui nous restent du cycle épique. Pour voir reprise la tâche de Heyne, il fallait attendre M. Creuzer, ou mieux encore le traducteur de la Symbolique, M. Guigniaut et M. G. Welcker.
Nous arrivons à la fin de cette vie si pleine et si agitée. Depuis plusieurs années, la santé de Wolf s’était altérée ; il se décida à chercher un remède dans les voyages. En 1816, il alla visiter le pays où il était né ; il fut vivement ému à l’aspect des lieux qu’il n’avait pas revus depuis cinquante ans. A peine de retour, il se remit en route (1818) et traversa toute l’Allemagne pour aller gagner la Suisse. Partout il retrouvait ses anciens élèves devenus maîtres, et recueillait de touchans témoignages de leur attachement. Lorsqu’il revint à Berlin après cette longue tournée, sa santé s’était de plus en plus affaiblie ; il sentit le besoin d’un climat plus chaud et partit pour l’Italie. Ce fut son dernier voyage ; il n’eut pas même le temps d’arriver à Nice. Le mal, accru par le régime qu’il s’obstinait à suivre, le força de s’arrêter à Marseille, où il mourut après quinze jours de souffrances, le 8 août 1824 : il avait soixante-cinq ans. L’Allemagne, jalouse de ses grands hommes, se plaint d’être privée de ses restes. Wolf du moins repose dans l’antique cité des Phocéens, dans une des villes où le culte d’Homère fut jadis le plus en honneur. Plus favorisé encore, Ottfried Müller, emporté au milieu de sa gloire, a trouvé un tombeau sous les ruines du Parthénon !
On a beau devancer ses contemporains, la postérité vous rattrape et vous dépasse. Depuis Wolf, on a imaginé contre la théorie des poèmes homériques des objections qu’il n’avait pas prévues ; on a découvert, en faveur de ses idées, des argumens auxquels il n’avait pu songer. Tels sont les exemples empruntés à la poésie populaire que chaque nation retrouve à son berceau, sur le plus triste sol, dans des contrées qui semblaient déshéritées de toute poésie. Wolf se plaisait cependant à rapprocher les diverses périodes de l’humanité. Il cita les chants écossais que Macpherson venait de remettre en honneur par sa restauration infidèle. Il compara les homérides aux prophètes hébreux, aux bardes et aux druides ; mais il ne pouvait deviner les grands poèmes de l’Inde. Nos romans de chevalerie, les Romances espagnoles, l’Edda scandinave, les Niebelungen même, n’étaient pas encore sortis de l’oubli ou de l’indifférence. L’Allemagne n’était pas assez assurée dans les voies de l’avenir pour se retourner vers le passé. Personne ne soupçonnait alors cette nombreuse famille de poèmes sans nom, conservés dans la mémoire des chanteurs, et qui offrent à la fois avec les poèmes homériques tant de