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Or, jamais plus émus, plus tremblans qu’à cette heure,
Vous n’avez contemplé la terrestre demeure.
Tant d’étoiles jamais dans leur rayonnement,
Jamais tant de regards tombés du firmament,
Depuis les jours d’Adam et des premières larmes,
N’ont cherché notre terre avec autant d’alarmes ;
Moins nombreux et moins vifs, ces feux dont l’éther luit
Scintillent dans l’azur de la plus belle nuit.


II


C’est sur un bourg obscur que ces rayons affluent ;
C’est un seuil indigent que les anges saluent ;
C’est Nazareth, le toit d’un humble charpentier.
Un cep de ses rameaux l’embrasse tout entier,
Et l’ombre d’un figuier soir et matin dépasse
Le mur qui du jardin enclot l’étroit espace.
Là se parlent, assis sur le banc des aïeux,
Une femme et son fils qu’elle implore des yeux.
Recevant dans son cœur ce que le cœur adresse,
Grave et beau, le jeune homme écoute avec tendresse :

« Rien ne me sera plus quand vous aurez quitté
« L’abri de votre mère et notre obscurité.
« Mon cœur saigne déjà du sari- dont vous inonde
« Le combat du désert, surtout celui du monde ;
« Et la voix qui vous dit : Va, fais l’œuvre de Dieu !
« Je la sens dans mon sein comme un glaive de feu.

« Laissez-moi regretter votre enfance éphémère !
« Que la gloire du fils est pesante à la mère,
« Et combien doit trembler celle à qui Gabriel
« Annonce qu’elle engendre un envoyé du ciel !
« Le sang qu’elle lui donne est tout promis au glaive,
« Elle nourrit l’agneau pour qu’un boucher l’enlève.
« O mon fils ! pardonnez la faiblesse aux adieux,
« Je vous aurais voulu moins grand et plus heureux !
« Je voudrais vous garder, toujours à cette place,
« Sous notre pauvre toit qu’éclaire votre face ;
« Vous qu’attend Israël pour sauveur et pour roi,
« Je voudrais, tout entier, vous retenir en moi,
« Car vous êtes ma vie, ô mon fils ; il me sembl