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Autour de quelques ceps un buisson d’églantier,
L’herbe autour d’un vieux puits plus épaisse et plus verte,
Près d’une humble maison de platanes couverte
Quelques fleurs, un verger orné d’arbres choisis,
Font, au bord du désert, une extrême oasis.
Tout est propre et charmant dans cet étroit domaine ;
Les chars plus élégans que le bouvier ramène,
Les arbres mieux taillés, la blancheur du bétail,
Tout montre en ce logis la joie et le travail.

Dès qu’en son vert enclos parut la blanche ferme,
Le pèlerin distrait marcha d’un pied moins ferme,
Son bâton sur le roc sonna moins rudement,
Son front de plis rêveurs se rida vaguement.
Ses regards hésitans cherchaient cette demeure ;
Il semblait ne souffrir qu’à partir de cette heure
Cet intime combat dont le ciel est l’enjeu,
Et que soutient en lui l’homme appuyé du dieu.
Il a connu ce toit où tant de paix se cache,
Un lien hospitalier dès long-temps l’y rattache ;
Au retour du désert à ce foyer admis,
Il y trouvait toujours des visages amis,
Car il allait souvent, comme tous les prophètes,
De la nature au loin goûter les saintes fêtes.
C’est là que par son père il était visité,
Là qu’il se souvenait de sa divinité ;
Puis, quand il descendait pour rentrer chez les hommes
Et se sentir encore être ce que nous sommes,
C’était à ce foyer qu’il se disait comment
Le bonheur peut nous luire ici-bas un moment.

Dans l’heureux champ, qui semble aimer aussi ses maîtres,
Un vieillard vénéré vit comme ses ancêtres ;
Sa fille, dernier fruit dont le ciel l’a béni,
Fait la joie et l’orgueil de son toit rajeuni,
L’orne de sa beauté, par sa douce prudence
Maintient dans la maison et l’ordre et l’abondance.
Que de soirs elle avait, plus belle en sa rougeur,
Accueilli sur le seuil le divin voyageur ;
Sur le cèdre, pour lui, placé la blanche nappe,
Et le miel en rayons d’où le parfum s’échappe,
Et la figue, et l’olive, et le vin écumant,
Et les gâteaux pétris de lait et de froment !