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En dehors du domaine politique, où chacun de ses pas rencontrait un obstacle ou un abîme, il s’offrait à la majorité vaincue des chances imprévues de salut. Un formidable médiateur, la famine, intervenait, six mois avant l’épreuve décisive des dernières élections, dans la lutte des partis, et il ne tenait qu’aux catholiques de l’avoir pour auxiliaire. Les circonstances leur en faisaient même une heureuse nécessité. Les Flandres, premier et dernier asile de leur prépondérance et où se trouvait dès-lors concentré tout l’intérêt de la guerre électorale, demandaient à grands cris, par l’organe de leurs assemblées provinciales et communales et de leurs chambres de commerce, l’union douanière avec la France, seul palliatif possible à l’effroyable misère des ouvriers liniers. Par une coïncidence plus heureuse encore pour les catholiques, les libéraux, exhumant d’absurdes susceptibilités nationales, se prononçaient bruyamment contre le vœu de deux provinces qui nomment à elles seules plus du tiers des représentans et des sénateurs. Un mot, un seul mot rassurant du ministère aux intérêts irrités par ces résistances, et la question électorale se trouvait déplacée, et les libéraux étaient supplantés sur le terrain de leur plus active propagande. En abjurant, au profit de l’alliance française, la donnée d’un système d’isolement principalement dirigé par eux contre la France, les catholiques n’auraient été que logiques ; car ils avaient posé eux-mêmes, par les traités prussien et hollandais, le principe de ce revirement. Aveuglement ou démoralisation, les catholiques sont restés inertes devant, ce mouvement d’opinions qui ne demandait qu’un chef. Cette arme que le hasard leur mettait aux mains, ils l’ont timidement laissé tomber à terre. Quelques phrases évasives de MM. de Theux et Dechamps sur la non impossibilité future de l’union douanière, quelques dénégations à double entente d’un ministre d’état, M. de Muelenaere, accusé d’avoir, en sa qualité de gouverneur de la Flandre occidentale, favorisé le petitionnement unioniste, voilà le seul gage officiel que l’ancien cabinet ait su donner à des besoins impérieux, juste ce qu’il fallait pour surexciter contre lui les répugnances de la minorité protectioniste, et pas assez pour lui concilier les intérêts contraires. Dans une question où son intervention seule équivalait à une victoire, il a réussi à perdre jusqu’au bénéfice de la neutralité.

Les Flandres étaient cependant sa préoccupation constante. La dernière session n’a été, en quelque sorte, qu’une longue et minutieuse enquête sur l’état de ce malheureux pays. La vérité n’a jailli que trop vive. Durant six mois, les tableaux les plus hideux, les chiffres les plus désespérans, se sont succédé à la tribune, dans les rapports officiels et dans les journaux. Il a été constaté que les hordes de paysans affamés contenues par la maréchaussée aux portes de Bruxelles représentaient la partie valide de populations autrefois aisées ; que des villages entiers,