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en ce rapprochement, que personne n’a peut-être formulé, mais qui est bien certainement au fond du désespoir populaire : en 1831, ils rouvraient les monastères, grace à l’appui électoral des paysans, et, en 1846-47, ils ont dû fermer, pour cause d’encombrement, les villes, les hôpitaux, les prisons même, à des légions de paysans qui venaient y implorer un asile contre la faim et le froid. En 1830, ils ne trouvaient dans l’héritage commercial des Hollandais que des industries prospères, et, en 1847, ils ont mené le deuil de la plus importante de ces industries, en laissant à la place, sur le théâtre même de sa splendeur quatre fois séculaire, une autre industrie qui symbolise horriblement le contraste des deux époques : la vente publique et affichée des viandes de cheval et de chien.

Ainsi, la contre-partie aura été complète. Tout, jusqu’aux hommes, jusqu’aux noms propres, aura concouru à ce talion minutieux qui, dans le domaine des principes et dans celui des faits commerciaux, a retourné contre les catholiques les instrumens mêmes de leur action. Le premier ministère de Theux organisa en six ans leur prépondérance, et il était réservé au second ministère de Theux de résumer, dans le cadre étroit de son existence, toutes leurs chutes, tous leurs torts. En politique, il s’est vu fermer toutes les portes ; en économie, là où il cherchait des expédiens, il n’a fait jaillir que des accusations ou des impossibilités. Le vide est désormais complet autour des catholiques. Ils pourront se disséminer, selon leurs affinités personnelles, dans les autres opinions, et y apporter même, à la longue, des appoints décisifs ; mais, comme pensée active et dirigeante, comme parti proprement dit, leur existence est close. Ils ont tout renié, tout compliqué, et n’ont rien résolu. Nulle espérance ne peut germer sur ce sol mouvant.


II

Le pouvoir, s’il échappait pour toujours aux catholiques, n’était pas moins une dangereuse épreuve pour les libéraux. Les élections de juin, en mettant les premiers dans l’impossibilité de gouverner, n’avaient pas donné une majorité décisive aux seconds.

Dans la chambre des représentans, les partis n’étaient qu’équilibrés. Les libéraux étaient sûrs de détacher de l’ancienne majorité ce groupe flottant de députés fonctionnaires qu’on retrouve invariablement, depuis 1832, à la suite de tous les pouvoirs ; mais encore fallait-il constituer un pouvoir, et là résidait la grande difficulté. L’accord des diverses fractions libérales dans la lutte survivrait-il au triomphe commun ? Chacune d’elles ne chercherait-elle pas à primer dans la future combinaison ministérielle ? Cette difficulté levée, une question de principes succédait, en outre, à la question de personnes. Les deux grandes