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rendez-vous de race pour protester contre l’arrêt qui a exclu ce duché de la famille germanique, traduisait assez clairement la pensée secrète des ordonnateurs.

Ces naïfs essais d’embauchage national ne méritent du reste d’être notés qu’à titre de curiosité politique. Il suffit de remonter à l’origine du mouvement flamand pour comprendre que la Prusse aurait plus d’intérêt à l’amortir qu’à le raviver. Ce n’est pas le radicalisme belge, comme on l’a dit à tort, qui a songé le premier à exploiter la langue flamande. Le clergé a ici tous les honneurs de l’invention. Ce qui a pu autoriser cette confusion, c’est que le clergé, intéressé à affaiblir le gouvernement, cette centralisation rivale de la sienne, et à faire donner la prépondérance électorale aux paysans qui lui étaient dévoués, colora momentanément, en 1830-31, ses prétentions d’un vernis radical. Plus tard seulement, quand les masques tombèrent et que l’absolutisme théocratique se dressa seul sur les théories républicaines des abbés du congrès, le radicalisme proprement dit, désormais isolé, apparut avec une individualité distincte sur le terrain où ceux-ci l’avaient entraîné ; mais son rôle n’y a été que très court et très secondaire. Les petites pièces populaires du cabaretier-poète Jacob Kats, dont la verve inculte et joviale s’inspirait encore bien moins de l’abstraction républicaine que de la grosse bière nationale écumant au fond du pot de grès, sont à peu près les seuls manifestes flamands que le radicalisme ait laissés. Les hommes pratiques du libéralisme, soit constitutionnel, soit extrême, avaient tout d’abord compris qu’en retenant les Flandres dans l’impasse d’un idiome où les idées les plus élémentaires du siècle étaient encore à traduire, ils serviraient les calculs du clergé. Aussi le petit nombre de livres et de journaux publiés en flamand sont-ils presque tous sortis des presses ecclésiastiques. Un moment, vers 1839, un jeune écrivain anversois, M. Henri Conscience, sembla vouloir continuer, dans ses Contes flamands, sous une forme plus littéraire, la tradition démagogique de Jacob Kats ; mais le clergé eut bientôt attiré M. Conscience dans son orbite, et les Contes flamands, soigneusement revus et expurgés, sont aujourd’hui l’objet favori des réclames épiscopales. La propagande flamande était donc, dès le début, essentiellement catholique, c’est-à-dire aussi hostile à la Prusse qu’à la France et aux Pays-Bas. Si quelques libéraux rêvaient, à l’issue de la révolution, des alliances universelles, si d’autres tendaient à chercher en Allemagne un contre-poids à l’influence française, ce que le clergé voulait, lui, ne l’oublions pas, c’est la séquestration continentale de la Belgique. L’idiome flamand, que parlent les trois quarts de la population, était destiné, en dépit de ses affinités néerlandaises et tudesques, à opérer le vide autour du nouveau Paraguay, et ces affinités même s’y prêtaient, en évoquant la plus inexorable des jalousies, la jalousie de famille. Le Flamand pur sang se