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du sort. Là se débattent les problèmes dont la solution a été renvoyée à la commission. Quant au compte-rendu de ces débats à huis-clos, il n’est publié dans le Moniteur, encore avec force corrections et mutilations[1], que lorsqu’il convient au président et au vice-président de le produire[2].

Quelles étaient, sous l’influence des premiers décrets du gouvernement provisoire et au moment où la commission du travail a pris possession du Luxembourg, les principales demandes des ouvriers, la rançon de la société, les conditions que faisaient les combattans pour poser les armes ? Ces demandes peuvent se réduire à quatre principales, savoir : la diminution de la durée du travail, l’abolition du marchandage, l’élection par les ouvriers des contre-maîtres et même des chefs de service, enfin la participation des ouvriers et des employés aux bénéfices des entrepreneurs et des capitalistes. Supposez un temps plus calme et un gouvernement de sang-froid : l’on eût cherché à faire comprendre aux ouvriers à quel point de pareilles prétentions allaient contre leurs intérêts véritables. La commission qui siège au Luxembourg n’en a repoussé aucune ; elle accorde sa tolérance à celles qui n’obtiennent pas sa sanction. Voici le premier décret et le plus grave, il porte la date du 1er mars :


« Sur le rapport de la commission du gouvernement pour les travailleurs, considérant

« 1o Qu’un travail manuel trop prolongé non-seulement ruine la santé du travailleur, mais encore, en l’empêchant de cultiver son intelligence, porte atteinte à la dignité de l’homme ;

« 2o Que l’exploitation des ouvriers par les sous-entrepreneurs ouvriers, dits marchandeurs ou tâcherons, est essentiellement injuste, vexatoire et contraire au principe de la fraternité ;

« Le gouvernement provisoire de la république décrète :

« 1o La journée de travail est diminuée d’une heure. En conséquence, à Paris, où elle était de onze heures, elle est réduite à dix, et en province, où elle avait été jusqu’ici de douze heures, elle est réduite à onze ;

« 2o L’exploitation des ouvriers par les sous-entrepreneurs, ou marchandage, est abolie.

« Il est bien entendu que les associations d’ouvriers qui n’ont point pour objet l’exploitation des ouvriers les uns par les autres ne sont pas considérées comme marchandage. »

  1. C’est ainsi que le Moniteur, dans le compte-rendu de la séance du 20 mars, tronque et défigure l’opinion défendue par M. Wolowski. L’impartialité et l’exactitude semblaient cependant de rigueur, en parlant d’un homme qui avait eu le courage de lutter seul durant près de quatre heures contre tous les socialistes réunis autour de M. Louis Blanc.
  2. C’est ainsi que le Moniteur a passé sous silence une séance postérieure, dans laquelle MM. Pereire, Lechâtelier et Wolovski avaient combattu, avec l’autorité du talent et de l’expérience, les idées de M. Louis Blanc sur les chemins de fer.