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MM. Gourlier, Armand Leleux, Hedouin, Frère et Chacaton, combinent heureusement le paysage et la figure, et retracent d’ordinaire des scènes familières au milieu de sites pittoresques éclairés par une vive et chaude lumière. La Fenaison de M. Armand Leleux est un chef-d’œuvre dans ce genre. Il n’est guère possible d’exprimer avec plus de vigueur et d’éclat le jeu de la lumière solaire ruisselant à travers le feuillage, à cette heure voisine du soir, et teignant de ses nuances dorées les carnations et les vêtemens des personnages. Parmi les peintres de paysage, ce sont les naturalistes qui forment le groupe le plus nombreux. Ceux-ci s’attachent avant tout à reproduire la réalité. Ils aiment la nature toute nue et la traduisent plus littéralement que naïvement. M. Pierre Thuillier, dignement doublé par sa fille, se place sans contestation au premier rang de la tribu. Sa Vue prise à Elbiar, près d’Alger, les Rochers d’Espaly et la Vue prise dans les montagnes du Val sont d’excellens paysages-portraits. Nous nous permettrons de faire une observation à M. Thuillier : ne prodigue-t-il pas, dans ses plans intermédiaires et même sur ses premiers plans, ces ombres bleues qui donnent sans doute plus d’éclat à la lumière et plus de profondeur au paysage, mais qui ont aussi l’inconvénient de faire ressembler la peinture à l’huile à la gouache telle que l’exécutent les Napolitains ?

M. Gaspard Lacroix, qui arrive à la reproduction exacte de la nature par un grand sentiment de la couleur et de la forme ; M. Flers, naïf et fin comme d’habitude ; M. Achard, dont les progrès sont sensibles d’année en année, MM. Hostein, Palizzi, Charles Leroux, Léon Fleury, Lanoue, Blanchard, Jules André et vingt autres artistes de talent qu’on ne peut tous nommer, complètent la cohorte des naturalistes. À leur suite marche un petit groupe d’artistes capricieux et fidèles qui s’inquiètent moins de la vérité que de l’effet, et qui s’attachent de préférence à reproduire les accidens variés de lumière et de couleur apportés par le changement des saisons aux différentes heures du jour. Les contrastes vivement accentués les séduisent ; ils jouent avec un rayon de soleil, avec l’ombre portée d’un nuage, et arrivent souvent à la poésie par l’effet. MM. Lapierre, Adrien Guignet, Paul Huet, Steinheil, Tournemine et Anastasi sont les plus charmans de ces maniéristes bucoliques. Le Paysage de M. Lapierre, la Fuite en Égypte de M. Adrien Guignet, le Val d’enfer de M. Paul Huet, le Matin de M. Steinheil, la Prairie de M. Tournemine, le Pacage du Calvados de M. Anastasi, sont autant de petits poèmes très caractérisés dans le style vigoureux, coloré, des Orientales et des Ballades de M. Victor Hugo, quelquefois aussi dans le style sentimental et brillanté des écrivains de la jeune école.

Les peintres de marine, d’architecture pittoresque, d’intérieur, d’animaux et de nature morte, forment par leur réunion une cohorte aussi nombreuse que celle des paysagistes. MM. Gudin, Jugelet, Couveley,