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consommateurs, qui n’est pas gravement menacé, consulter davantage l’intérêt du fisc, qui peut exercer d’utiles prélèvemens sur ces articles, en ménageant d’ailleurs la position des établissemens existans, qui ne doivent pas être ébranlés par un changement trop brusque.

Quant à l’intérêt du trésor public, on peut le concilier tant bien que mal avec des droits élevés, mais non pas avec des prohibitions absolues, ni même avec des droits vraiment prohibitifs. Il faut du moins que ces droits laissent ouverture à une certaine importation. Ce ne sont pas toujours d’ailleurs, on le sait trop bien, les droits les plus élevés qui rapportent davantage. Souvent même le fisc a tout à gagner par un abaissement. A ne considérer que la question fiscale, il y aurait donc ici une sorte de tâtonnement à faire pour trouver le point précis où, les droits deviennent le plus largement productifs pour le trésor ; mais dès l’instant qu’on tient compte, autant qu’il convient de le faire, de l’intérêt des établissemens existans que leurs antécédens et l’état actuel du pays n’ont pas encore mis en mesure de soutenir la concurrence étrangère, on se trouve conduit, au contraire, à adopter dès l’abord des droits tels que, sans interdire l’importation des produits étrangers, ils la contiennent du moins dans des limites suffisamment étroites. Au risque de réduire un peu les recettes de la douane, il faut maintenir un tarif assez élevé pour dissiper toutes les appréhensions légitimes. C’est dans cet esprit que nous proposerons, pour la plupart des articles manufacturés, des droits de 15, 18, 20 et, comme maximum, 25 pour 100 de la valeur.

Nous savons que, sur la seule proposition d’un semblable tarif, un grand nombre de fabricans ou manufacturiers se récrieront, que plusieurs n’hésiteront même pas à annoncer aussitôt la ruine prochaine de leurs usines ; mais nous savons aussi tout ce qu’il y a de puéril dans ces appréhensions. Il n’y a pas une seule industrie de quelque valeur en France qui ne puisse se maintenir sans encombre, même dans les conditions actuelles, avec un droit protecteur de 25 pour 100. A plus forte raison, se maintiendraient-elles le jour où le prix des matières premières et des agens du travail aurait été sensiblement abaissé. Dans ce cas, loin de déchoir, elles pourraient même prétendre à un développement beaucoup plus grand.

On est trop porté à croire ou à dire que changer quoi que ce soit à nos tarifs, c’est se jeter dans l’inconnu. Il n’y a de l’inconnu dans tout cela que pour ceux qui ne veulent pas se donner la peine d’examiner. Quand nous n’aurions pas sous les yeux les exemples si instructifs fournis, depuis trente ans et plus, par un pays voisin, nous trouverions dans notre propre régime économique, pour toutes les réformes qu’on voudrait entreprendre, des antécédens ou des leçons. Grace au ciel, ce régime n’est pas uniforme ; il est, au contraire, très inégal, très irrégulier dans ses