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s’administre à son gré ; nul ne connaît mieux que la population algérienne les difficultés qui l’entourent et les ressources dont elle peut disposer.

Si le self government est bon pour nous, il doit être bon aussi pour notre colonie. La population européenne de l’Afrique se compose aujourd’hui de 110,000 ames. Si jamais population dut sentir le besoin d’une forte assurance mutuelle, c’est celle-là, car elle est en présence de dangers de toute sorte. La nécessité donne de l’invention et du courage, et cette population essentiellement aventureuse a prouvé qu’elle ne manquait ni de l’une ni de l’autre de ces deux qualités. Sans doute il serait à désirer qu’elle fût plus ancienne, plus nombreuse, plus fortement assise ; mais enfin, telle qu’elle est, elle peut tenir : elle a des familles, des intérêts à défendre ; elle peut espérer se fortifier, quand elle pourra faire tout ce qu’elle croira utile et efficace.

La moitié seulement est d’origine française ; mais qu’importe ? Quiconque s’est fixé dans la France africaine est Français-Africain. Je pense que le premier acte d’un parlement local serait de supprimer toute distinction entre les étrangers et les Français d’origine. Cette distinction devrait déjà disparaître dans les élections, comme elle a disparu dans la milice. Ce n’est pas quand la mère-patrie donne des facilités nouvelles à la naturalisation, ce n’est pas quand les nationalités autrefois ennemies tendent à se fondre dans la fraternité universelle, que l’Algérie, cet état en formation, qui a besoin de ne repousser aucun élément, pourra maintenir les barrières jalouses du passé. Place égale pour tous à ce soleil de l’Afrique qui doit éclairer un monde nouveau, suffrage universel, droits et devoirs communs ; là, plus qu’ailleurs, tous les hommes sont égaux, car il n’y a point de passé, point de distinctions anciennes ; chacun a un même but, un égal intérêt à garder sa tête sur ses épaules et à fonder un établissement durable pour soi et ses enfans.

Ce qu’il faut faire pour les colons, il faut le faire aussi dans une certaine mesure pour les indigènes, qui sont bien autrement nombreux que les colons. Il n’est pas vrai qu’il y ait antagonisme nécessaire entre les Arabes et les Européens en Afrique ; je crois, au contraire, que les intérêts bien entendus des deux populations leur commandent de s’unir. Cette association, pour être sérieuse, n’a pas besoin d’être une fusion, comme on le dit quelquefois ; non, la fusion n’est possible qu’à la longue, après bien des années, des siècles peut-être. Les deux populations sont profondément distinctes par leurs mœurs et par leurs croyances, elles doivent rester distinctes ; mais, tout en vivant séparément et différemment, elles peuvent s’entr’aider au lieu de se combattre, comme s’unissent dans l’ordre physique des élémens divers qui se rapprochent par leurs différences mêmes. Quand on regarde superficiellement aux