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derrière laquelle la monarchie de Bourbon avait cru se mettre à couvert des idées aussi bien que des marchandises étrangères. Elle ne s’en était préservée cependant qu’à demi, et tout le zèle de la police du roi Ferdinand n’empêcha point le peuple d’y réclamer la constitution au cri de : Vive Pie IX ! L’unique et déplorable effet de cet isolement fut de faire dévier la Sicile de la ligne commune. Le mouvement, d’abord commencé avec ensemble dans les deux parties du royaume, changea bientôt de caractère, lorsque les Siciliens mirent en avant la prétention de se constituer en état séparé et indépendant. Cette prétention, quelque justifiée qu’elle fût d’un côté par l’oppression et le régime arbitraire où le gouvernement de Naples tenait la Sicile, de l’autre par le brillant courage que l’île a déployé contre les troupes royales, n’en a pas moins été un accident fâcheux. Elle a prouvé que la Sicile ne comprenait pas la loi de solidarité que les circonstances imposaient à toutes les parties de la péninsule, et à laquelle Rome, la Toscane et le Piémont venaient de donner des gages si éclatans. La Sicile aujourd’hui a consommé sa séparation. C’est une faute dont elle aura peut-être bientôt à se repentir. La même main qui l’a poussée et soutenue dans sa lutte contre la métropole pourra bien aussi vouloir s’immiscer dans les débats intérieurs qui vont s’élever sur le choix d’une forme de gouvernement. Cette influence étrangère, chacun la commit ; elle s’est manifestée assez ouvertement avant et pendant la révolution sicilienne. La proclamation de la constitution de 1812 était un ressouvenir de l’occupation anglaise. Il est notoire que dans le courant de l’année 1847 des agens venus de Malte ont profité de l’irritation que causait en Sicile l’entêtement du roi Ferdinand, pour y raviver la mémoire du régime libéral dont l’île avait joui sous la domination anglaise, et établir un contraste malheureusement trop facile entre cette époque et l’état actuel. Les Anglais agissaient-ils dans des vues tout-à-fait désintéressées ? Ce n’est guère leur habitude. Les motifs qui les poussent à intervenir dans les affaires de la Sicile sont d’ailleurs assez visibles, et il faut que les Italiens aient été bien aveugles pour se payer, ainsi qu’ils l’ont fait l’année dernière, de quelques paroles prononcées dans le parlement et de quelques dépêches pompeuses de lord Palmerston, et pour voir dans l’Angleterre une alliée prête à donner ses flottes et ses subsides à la cause de l’indépendance italienne. A l’époque de cette fameuse mission de lord Minto, qui, ainsi qu’il est aisé de le vérifier à présent, n’a eu d’autre résultat que de provoquer la séparation de la Sicile, c’était d’un bout à l’autre de la péninsule un touchant concert d’acclamations en l’honneur de la magnanime Angleterre. Partout sur son passage, le noble lord recueillait des remerciemens et des voeux, auxquels il répondait en criant bravement du haut d’un balcon : « Vive l’indépendance italienne ! » à la grande satisfaction de la foule, charmée de ce témoignage peu coûteux des sympathies britanniques. Les bruits les plus exagérés étaient chaque jour répandus sur le but de ce voyage. Tantôt le Foreign-Office avait posé un casus belli énergique à M. de Metternich, tantôt la flotte anglaise s’était montrée à Ancône, à Venise, à Trieste. La vérité est qu’elle se montrait particulièrement dans le golfe de Naples et dans la baie de Palerme, où sa présence servait un intérêt tout autre que celui de l’indépendance italienne. La rancune contre la France était bien, il est vrai, pour quelque