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ouvrir des voies nouvelles, leur montrer les champs ; à défricher. Pour atteindre ce double but, le Collège de France devrait avoir deux sortes de chaires. Les unes, destinées à un enseignement fixe, seraient permanentes et occupées par des professeurs titulaires ; les autres s’ouvriraient pour un temps plus ou moins limité aux hommes qui mériteraient cet honneur par des travaux originaux sur quelques branches de nos connaissances. Par là on ouvrirait en quelque sorte un débouché à ces mille petits faits, à ces aperçus presque fugitifs que tout travailleur sérieux rencontre sur sa route, et qui ne sauraient souvent trouver place dans les publications, mais qui, recueillis par un auditoire convenable, peuvent faire naître des idées nouvelles, provoquer des recherches et amener des progrès imprévus.

Si la science s’adressait, seulement à l’esprit, les trois sortes d’institutions dont nous venons de parler suffiraient à l’enseignement ; mais, on le sait, de notre temps elle est devenue industrielle, et s’est mêlée d’une manière toute pratique à notre vie de chaque jour. La diffusion de la science appliquée est un des plus réels besoins de l’époque. Aussi la faculté ne comble-t-elle qu’imparfaitement la vaste lacune qui existe entre les lycées et le Collège de France. Au sortir des premiers, il est nécessaire de continuer l’enseignement d’une façon à la fois théorique et usuelle. La faculté répond au premier de ces besoins. Peut-elle, par la création de nouvelles chaires, satisfaire de même au second ? Malgré l’autorité des personnes qui, l’année dernière encore, se prononçaient pour l’affirmative, nous n’hésitons pas un instant à répondre : Non. Confier à un seul établissement le soin de former à la fois des savans et des praticiens, ce serait vouloir n’atteindre ni l’un ni l’autre de ces résultats. L’enseignement théorique disparaîtrait bientôt devant des préoccupations essentiellement aveugles et envahissantes, parce qu’elles auraient leur source dans l’ignorance et les intérêts matériels, et en même temps l’insuffisance forcée des moyens empêcherait de jamais tenir une seule des promesses imprudemment adressées à l’industrie, à l’agriculture ou au commerce.

Bien loin de songer à une concentration irréalisable, il faut appliquer ici sur une large échelle la grande loi de perfectionnement que l’industrie semble avoir empruntée à la physiologie. Il faut diviser le travail. L’enseignement polytechnique nous offre à cet égard un exemple à suivre et, sous bien des rapports, un modèle à imiter. Les fondateurs de cet enseignement comprirent dès l’abord que toute application supposait quelque chose d’antérieur et de purement théorique. L’École Polytechnique fut chargée de cette partie de l’instruction. En sortant de ses murs, les élèves ne sont ni des officiers de génie ou d’artillerie, ni des ingénieurs. Ils ont seulement appris tout ce qu’il faut savoir pour remplir dignement ces diverses professions. Aux leçons de théorie succèdent