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les services rendus à la science. Ces derniers seuls motiveraient le passage d’une classe de faculté à une classe supérieure. À ces conditions, l’état aurait le droit de demander au professeur de province qu’il réservât son temps tout entier à la science, car il dépendrait de lui d’augmenter son bien-être sans manquer à ses devoirs. À ces conditions aussi, mais à ces conditions seulement, l’état aurait le droit d’interdire le cumul aux professeurs de Paris. Dans l’état actuel des choses, cette défense serait une iniquité criante. Obliger un professeur dur Collège de France ou de la Sorbonne, membre de l’Institut, à vivre dans la capitale avec cinq ou six mille francs, lorsque le moindre directeur d’administration reçoit de dix à douze mille francs par an, ce ne serait pas seulement une injustice personnelle, ce serait une insulte à la science.

À ceux qui trouveraient nos prétentions exagérées, nous opposerions une autorité que personne aujourd’hui ne contestera. Lorsque la convention, sur le rapport de Lakanal, organisa le Jardin des Plantes et en fit un établissement unique dans le monde, elle voulut que les hommes placés à la tête de cette institution scientifique jouissent, non de la fortune, mais au moins de l’aisance. Elle leur alloua le logement et cinq mille francs d’appointemens. En tenant compte de la dépréciation de l’argent, on voit que ce chiffre est à peu près celui que nous réclamons pour les chefs de l’enseignement. Nous espérons que notre voix sera entendue. Aujourd’hui que la science a grandi de toute manière, aujourd’hui qu’elle s’adresse à la fois à toutes les intelligences et à tous les intérêts, la république de 1848 ne saurait se montrer moins libérale envers elle que la république de 1793. En se restreignant dans les limites que nous venons d’indiquer, elle restera encore bien en arrière de quelques peuples voisins. En Allemagne, le moindre professeur d’université jouit d’un traitement à peu près égal à celui de nos professeurs de province ; mais ce traitement s’accroît avec l’importance des universités, au point qu’à Berlin le professeur d’anatomie reçoit de cinquante à soixante mille francs par an.

Pour compléter ce que nous avons à dire sur l’organisation des facultés, il nous reste à faire connaître notre opinion sur le mode d’admission et d’avancement des agrégés et des professeurs. D’après les règlemens aujourd’hui en vigueur, les premiers sont nommés au concours, les seconds sont choisis par le ministre sur deux listes dressées par la faculté qu’il s’agit de compléter et par le conseil académique. Ces deux modes de nominations nous paraissent présenter de graves inconvéniens. Personne n’est plus que nous partisan d’un concours réel ; mais nous ne saurions regarder comme sérieux celui qui est actuellement en vigueur dans l’Université. Dans le concours tel qu’il est usité en France, les épreuves sont presque uniquement du ressort de la mémoire, souvent de l’argutie, toujours de l’assurance et d’une espèce d’escrime