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Le moment approche où l’assemblée nationale doit se réunir ; il faudra bien qu’à cette époque le nouveau budget lui soit présenté. Que d’ici là les divers ministères fassent du moins connaître les résultats de leur travail préparatoire, à mesure que les décisions seront prises. Le temps est précieux, les jours s’écoulent comme des minutes. Quand le gouvernement provisoire a pris les affaires, ses membres ont montré une grande résolution ; c’est cette résolution qui nous a sauvés des derniers malheurs. La même énergie, la même promptitude, sont aujourd’hui nécessaires pour le rétablissement d’un ordre financier quelconque ; pourquoi ne les retrouverait-on pas ? La responsabilité est moindre, et l’honneur serait aussi grand.

Je vais essayer, pour mon compte, de passer rapidement en revue les diverses questions qui se rattachent au budget, et de montrer qu’un budget satisfaisant est possible avec la république. Certes, je n’ai pas désiré la république, j’ai été surpris plus que personne de sa brusque apparition ; mais enfin, puisqu’elle est là, je l’accepte ; je désire ardemment qu’elle puisse marcher, s’organiser, rendre au pays une partie des biens qu’elle lui a ravis. Je vais même plus loin : je crois qu’elle peut devenir plus tard, quand cette première crise sera passée, l’occasion d’un progrès national peut-être égal, peut-être supérieur à celui qui se serait accompli sous la monarchie ; mais, pour en venir là, la première condition est de sortir du vague des idées et des mots et de pénétrer résolûment dans les faits.

La république doit-elle chercher à réaliser l’idée d’un gouvernement à bon marché, ou doit-elle se jeter de plus en plus dans la voie des grandes dépenses publiques ? Telle est la question principale que soulève l’examen du budget du gouvernement nouveau. Deux tendances principales et opposées se révèlent ici tout d’abord : parmi les organisateurs de ce gouvernement, les uns veulent en effet une réduction notable dans les dépenses, la plus grande économie possible dans tous les services, la réduction des impôts et des moyens de crédit ; les autres, au contraire, veulent imposer à l’état des charges nouvelles, faire en quelque sorte de l’état un régulateur général des conditions, et lui mettre dans les mains presque toutes les ressources comme presque toutes les dépenses. Les premiers sont les républicains proprement dits ; les seconds peuvent être réunis sous la dénomination générale de socialistes, quoiqu’il y ait parmi eux des nuances infinies.

Je commence par dire qu’à mon avis, aucune de ces deux tendances ne peut espérer de l’emporter complètement. Les républicains économes seront forcés de céder aux socialistes sur beaucoup de points ; les socialistes, à leur tour, devront faire des concessions au goût d’économie des républicains. Les uns et les autres auront à compter avec cette grande masse d’hommes pratiques qui n’acceptent des idées que ce