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Si la république aborde surtout par les campagnes la grande question du travail, si elle tend à assurer aux paysans le bien-être qui leur manque, si elle arrête l’émigration des bras vers les villes, si elle reporte enfin sur l’agriculture ses principaux efforts, elle finira par s’attirer autant de bénédictions que son apparition a soulevé de craintes. Ce que peut une dépense annuelle de 350 millions, uniformément répartis sur toute la surface du sol, pour l’augmentation de la production et l’amélioration du sort de tous, est incalculable. On parle d’établir une ferme-école, non-seulement par département, mais par canton, d’entreprendre en grand le défrichement des terres incultes, de doter largement les chemins vicinaux proprement dits, qui sont ceux qui intéressent le plus directement l’agriculture : tout cela se peut avec 350 millions sans interrompre les chemins de fer et les autres grands travaux commencés et en garantissant du travail à tous les citoyens, pourvu qu’on s’applique par-dessus tout à retenir les ouvriers dans les campagnes, où la vie est à bon marché et où le salaire peut être bas sans être insuffisant.

Ainsi, quand l’étendue des sacrifices imposés à l’état par la garantie du travail sera parfaitement connue et limitée, ce mot cessera d’exciter les alarmes qu’il excite aujourd’hui. Il est à désirer qu’il en soit bientôt de même de cette autre formule mise en avant par les théoriciens, l’organisation du travail. Pour celle-là, malheureusement, je crains bien qu’il n’y ait rien à faire. Le travail était aussi bien organisé que possible dans la société telle qu’elle était hier, et, pour parler le langage du moment, l’association du travail et du capital devenait chaque jour plus étroite, par le seul effet de la liberté des transactions. Tout ce qui porte atteinte à cette liberté tue la poule aux veufs d’or ; l’expérience fatale qui vient d’être faite l’a prouvé surabondamment. Dès que le capital a cessé de se croire libre, il a disparu, et le travail a disparu avec lui.

Dans tous les cas, tant que la question si imprudemment soulevée ne sera pas vidée, tout sera arrêté. Que la commission du gouvernement pour les travailleurs se presse donc ; chaque jour qu’elle perd fait perdre au pays tout entier et aux ouvriers en particulier des sommes énormes. Que M. Louis Blanc définisse nettement les charges nouvelles qu’il prétend imposer au capital ; qu’il fasse connaître avec précision la portée des expériences qu’il veut faire ; la production et la consommation, ces veines et ces artères de la circulation sociale, chôment en attendant qu’il se décide. Dès que quelque chose de précis sera proposé, le pays appréciera, et le travail restera suspendu ou sera repris suivant que les intérêts se croiront encore plus ou moins menacés.

C’est là aussi une question de budget. Pour mon compte, je crois, dans l’intérêt des ouvriers, qu’il n’y a rien à porter au budget qui ait