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une indemnité spéciale, pour voyager, à un paysagiste qui annonce un talent remarquable, mais il est inutile de chercher à créer une classe d’artistes qui sera toujours assez nombreuse ; partant, il n’y a aucun inconvénient à supprimer le concours de paysage.

La limite d’âge fixée pour l’admission au concours n’est-elle pas beaucoup trop étendue ? A trente ans, un artiste vraiment digne de ce nom a formé son talent. Il n’a plus à s’instruire, il faut qu’il travaille et qu’il produise. Presque tous les grands maîtres se sont rendus célèbres avant vingt-cinq ans. Ruisdael seul, dit-on, fait exception à cette règle ; mais à l’âge où il commença à peindre, selon une tradition contestable, il n’aurait pu être reçu en loges aux termes de notre règlement. Dans tous les cas, la règle ne peut être fondée sur des exceptions, et il serait probablement utile de restreindre à vingt-cinq ans l’extrême limite pour l’admission aux concours des grands prix. A vingt-cinq ans, celui qui reconnaîtra que la nature ne l’a point créé pour être artiste est encore à temps pour chercher une autre profession. Il faut laisser une porte ouverte à de sages repentirs.

Quant à l’époque des concours, ne sont-ils pas trop rapprochés ? Les concurrens passent trois mois en loges dans un état d’excitation fébrile. Épuisés par un travail pénible, ils s’abandonnent ensuite à un repos assez long, et reprennent fort tard les études sérieuses que le concours a interrompues. Six mois de l’année, souvent plus, se passent ainsi pour les meilleurs élèves de l’école, qui assurément pourraient les employer plus utilement. Je ne vois aucun inconvénient, et je trouve quelques avantages à rendre ces épreuves moins fréquentes. On s’y présenterait mieux préparé, et elles seraient plus décisives. Il est inutile de multiplier le nombre des artistes, il suffit de donner à tous pour se produire des occasions assez fréquentes pour que le talent véritable puisse en profiter. Je proposerais donc que les grands prix ne soient décernés que tous les deux ans. Je me hâte de dire que je ne voudrais pas que la somme que le gouvernement accorde pour l’entretien des pensionnaires fût en rien diminuée. Au contraire, la pension actuelle est tellement médiocre, que la position des élèves de l’Académie de Rome qui n’ont pas de fortune est réellement intolérable. Prétend-on qu’avec 75 francs par mois ils s’entretiennent et paient leurs modèles et leurs couleurs[1] ? A l’époque où cette pension fut fixée, la valeur de l’argent était bien supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui, et il est évident que, tous les prix étant haussés, il devient également nécessaire d’augmenter la pension.

  1. Il est alloué à chaque élève 900 francs, qui lui sont comptés en argent à raison de 75 francs par mois, soit pour son entretien personnel, soit pour les dépenses des travaux d’obligation, soit enfin pour des courses et des recherches spéciales.
    (Règlement de l’Académie de France à Rome, art. 9.)