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connu de l’empereur, les hommes d’état du cabinet autrichien n’étaient guère en mesure de résister à ce mouvement, qui restait dans les limites de la constitution, et à la tête duquel se plaçait un prince dont nul ne pouvait contester les talens ou suspecter la fidélité. Ce fut un grand bonheur pour la Hongrie ; elle sut dans une suite de diètes avancer pacifiquement l’œuvre de sa régénération, et introduisit dans ses lois les améliorations nécessaires.

Cependant le palatin vieillissait : cette existence si chère au pays s’était usée dans toutes les fatigues de la guerre et du travail. Il mourut au commencement de l’année dernière (13 janvier 1847) ; la reconnaissance et l’instinct des Hongrois ont appelé le fils à achever l’œuvre commencée par le père.


II

Le nouveau palatin, l’archiduc Étienne, a sa gloire tout ensemble et celle de son père à soutenir. Rien n’est terminé, le dénoûment est encore dans la profonde nuit. Sans doute la fatalité historique n’a jamais paru plus puissante que de nos jours ; réservons cependant un rôle aux hommes dans leur propre histoire, et étudions le caractère de ceux qui sont à la tête des nations.

Le palatin n’a pas encore trente ans ; il tient de son père l’énergie et le courage, sans lesquels il n’y a point de commandement possible sur une nation belliqueuse. Élevé, avec les magnats de sa génération, dans l’égalité intelligente que la jeunesse établit dans les écoles, le jeune archiduc y a pris cette confiance sans présomption, le premier avantage de l’éducation publique, il sait vivre avec les hommes. Son caractère est sérieux, soit qu’il le tienne de la nature ou de la méditation sur la destinée de son pays si étroitement liée à la sienne. Nul n’est digne, en vérité, de toucher au gouvernement des peuples, s’il n’a la conscience et comme un secret effroi du mal ou du bien qu’il est appelé à faire. Tous les grands rois, excepté peut-être Henri IV, qui avait quelque chose de l’officier de fortune, ont été ou sont devenus graves par l’exercice du pouvoir. Les entretiens du jeune archiduc tournent très vite aux sujets sérieux ; il parle avec la facilité merveilleuse des Hongrois cinq à six langues étrangères, sans omettre le latin, naguère la langue officielle du pays, et les idiomes à peine connus des populations si diverses qu’enferme la Hongrie, les Valaques, les Croates, les Illyriens. Son instruction est très variée, et il cherche sans cesse à l’étendre. Il interroge curieusement les étrangers et sur leur propre pays et sur la Hongrie. Il voudrait y introduire à la fois toutes les améliorations dont il entend parler. Autrefois on ne demandait à un prince que d’être un bon capitaine, aujourd’hui il doit tout savoir ; il faut qu’il