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seulement il n’y a jamais eu d’aliénés, mais ceux chez lesquels on avait remarqué une prédisposition à le devenir ont toujours vu s’apaiser graduellement les agitations de leur esprit au sein du régime cellulaire[1].

Au milieu de nous, à Paris même, on peut faire une observation tout aussi frappante. Interrogez les rapports faits annuellement sur le pénitencier cellulaire de la Roquette ; ils vous apprendront que depuis dix ans, sur une population permanente de 400 ou 500 détenus, on n’a pas constaté un seul cas d’aliénation mentale. Il serait facile de multiplier les faits ; mais convient-il encore de discuter quand les autorités les plus irrécusables se sont prononcées d’une manière formelle, non-seulement en Amérique, en Prusse, en Suisse, mais en France ? Mise en demeure de donner son avis sur les conclusions d’un mémoire de M. Moreau Christophe, l’Académie de Médecine de Paris a déclaré, par l’organe de son savant rapporteur, M. Esquirol, « que si la commission avait eu à exprimer son opinion sur la préférence à accorder à un système pénitentiaire, elle n’hésiterait pas à se prononcer pour le système de Philadelphie (cellulaire) comme le plus favorable à la réforme des criminels. La commission, n’ayant à se prononcer que sur la question sanitaire des divers systèmes pénitentiaires, est convaincue que le système de Pensylvanie, c’est-à-dire la réclusion solitaire de jour et de nuit, avec travail et conversation avec les chefs et les inspecteurs, n’abrège pas la vie des prisonniers et ne compromet pas leur raison. M. Lélut, dont on ne contestera pas la compétence, a, dans un remarquable travail[2], appuyé de son opinion l’opinion de l’Académie de Médecine. Il déclare en terminant que, « parmi les objections qui peuvent être faites au projet de la réforme des prisons, il ne doit plus être question de la production de la folie par le mode de réclusion qui la constitue. » Il est inutile d’en dire davantage. Après de telles autorités, de tels témoignages, j’imagine qu’auprès des hommes sensés les préjugés de bonnes femmes ne prévaudront pas.

Quant à la mortalité, nous avons déjà comparé les deux systèmes et opposé à ce chiffre effrayant de 13 pour 100, qui est celui des décès dans nos maisons centrales, la statistique américaine, qui constate que la mort sévit dans le pénitencier de Philadelphie trois fois moins qu’à

  1. En Angleterre, les condamnés de Pentonville ont avoué eux-mêmes l’heureux effet que le régime de l’isolement avait produit sur leur caractère. M. Russel, inspecteur général des prisons de la Grande-Bretagne, rapporte qu’en 1844, quelques jours avant l’embarquement pour les colonies pénales de trois cent quarante-cinq convicts, on les invita à exprimer par écrit leur opinion. Trois cents répondirent à cet appel, et se prononcèrent en faveur du système de séparation. (Rapport de M. Béranger à la chambre des pairs.)
  2. Mémoire lu à l’Académie des Sciences. 1844.