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sans distraction sans intérêt, sans occupation, au nom du ciel que voulez-vous qu’ils fassent ?

Dans l’examen du système de séparation, nous avons répondu, ce nous semble, à toutes les objections qui lui sont faites. Reste la question financière, dans laquelle on a puisé un dernier argument. Nous nous bornerons à résumer cette question. En cette matière, avons-nous dit, la question d’argent nous paraît secondaire et notre avis semble avoir été partagé par ceux qui ont suspendu le travail des détenus, supprimé par conséquent le revenu des prisons. Quel que soit le système que l’on adopte, que l’on conserve ou non les maisons centrales et la vie en commun, il est certain que de grandes dépenses sont indispensables. Les prisons sont trop petites, il faut absolument en construire de nouvelles ; dans l’état actuel des choses, les administrations des maisons centrales déclarent leur impuissance, elles assurent que les détenus sont inhumainement entassés, qu’elles succomberont sous leur tâche, si l’on ne remédie à cette situation. Construira-t-on ces prisons supplémentaires selon l’ancien système ou d’après le mode nouveau ? Là est toute la question. La dépense complète qu’entraînerait la réforme serait de soixante-cinq millions, répartis sur plusieurs années, s’il faut s’en rapporter aux paroles prononcées et aux adjudications déjà consenties par M. Duchâtel, un des hommes qui ont le plus sérieusement étudié en France la question pénitentiaire. Cette évaluation, comme on voit, n’a rien d’effrayant, et l’on résoudrait à bon compte un des plus grands problèmes des sociétés modernes. Et ne devine-t-on pas qu’en diminuant dans une énorme proportion le nombre des récidives des détenus, on réduit d’autant le budget des prisons ? D’après le calcul des hommes compétens, l’état pourrait être remboursé avant quinze ans de cette dépense première. Quand même, ce que l’on conteste, les détenus cellulés coûteraient un peu plus cher que les prisonniers des maisons centrales, qu’importerait encore ? Le but des prisons doit être d’amender, comme le but des hôpitaux est de guérir. Que signifieraient des économies qui empêcheraient de l’atteindre ? Faut-il, sous prétexte qu’ils sont chers, refuser des remèdes aux malades ?

Avant de terminer cette étude, je dois toucher à une autre question qui se relie à celle que je viens de traiter, à la déportation. Pour ne pas sortir de mon cadre, je me contenterai de présenter quelques objections à ceux qui voient dans la déportation la solution de la question pénitentiaire.

La première difficulté, c’est que nos possessions d’outre-mer se prêtent peu à la réalisation de ce projet. Les îles Marquises sont incultes et stériles, Cayenne est malsain, l’Algérie est trop rapprochée de nous. Pense-t-on d’ailleurs que pour donner aux Arabes, que nous avons la prétention de civiliser, une grande idée de nous, il soit bon de leur montrer, dans une légion de forçats, la honte de notre pays, la condamnation