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et il y attache la plus haute importance. Pourquoi n’y aurait-il pas une signification profonde dans ces barbaries étudiées ? Question grave que je ne déciderai pas ; mais, tudesque ou non, rien ne ressemble moins à cette franchise du langage, à cette souplesse naturelle qui, chez les vrais poètes, est de tous les temps et de tous les pays. Il y a un siècle, l’empereur de la Chine faisait des vers : s’ils étaient meilleurs ou pires que ceux du roi Louis, je l’ignore ; ce que je sais bien, c’est que Voltaire lui donnait des conseils qui, aujourd’hui encore, ne manquent nullement d’à-propos :

Reçois mes complimens, charmant roi de la Chine.
Ton trône est donc placé sur la double colline !
On sait dans l’Occident que, malgré mes travers,
J’ai toujours fort aimé les rois qui font des vers.
David même me plut, quoiqu’à parler sans feinte
Il prône trop souvent sa triste cité sainte,
Et que d’un même ton sa muse, à tout propos,
Fasse danser les monts et reculer les flots.
Frédéric a plus d’art et connaît mieux son monde ;
Il est plus varié, sa veine est plus féconde ;
Il a lu son Horace, il l’imite, et vraiment
Ta majesté chinoise en devrait faire autant.


C’est un peu de cette variété et de cette souplesse qu’on désirerait dans les vers du roi Louis. On n’ose lui recommander de lire Horace ; la race tudesque ne doit plus s’humilier ainsi devant la race romane. Qu’il lise simplement les Niebelungen, ou Goethe, ou Schiller, ou bien encore Uhland, modèles bien allemands, à coup sûr ; il y apprendra que la poésie véritable est le jet spontané, la vivante création d’une intelligence émue, et non la froide et barbare contrefaçon d’une littérature morte.

Ces prétentieuses barbaries de style sont plus frappantes encore dans le second ouvrage du roi Louis, dans le livre consacré aux glorieux hôtes du Walhalla. Le royal fondateur de ce magnifique Panthéon ne s’est pas contenté de l’honneur sérieux que lui valait cette bonne pensée ; il a prétendu rivaliser lui-même avec les artistes chargés de reproduire l’attitude et les traits des héros ; il a voulu leur donner des exemples de l’art primitif, des leçons de style tudesque, et corriger ce qu’il pouvait y avoir de trop vivant dans leur inspiration. Prenez garde, ce n’est pas le livret d’un musée, c’est toute une collection de portraits. Nous avons là maintes statues taillées dans un idiome aussi dur que la pierre, aussi anguleux que les vieilleries gothiques. C’est gris, c’est raide, c’est taillé à angles droits, c’est de l’archaïsme le plus affecté qui se puisse voir, Le premier portrait est celui d’Arminius ou d’Hermann. J’essaierai d’en traduire une partie. « Il savait vaincre, non en profiter