il n’y a ni une saison froide et une saison chaude, ni une saison sèche et une saison des pluies. Au reste, la division de l’année en trois parties n’est pas particulière à l’Égypte, on la retrouve dans l’Inde ; elle ne doit donc pas compter parmi les objections qu’on oppose à l’opinion d’après laquelle l’origine de la civilisation égyptienne serait dans l’Inde, opinion, du reste, que je suis loin de partager.
Le climat de l’Égypte est très sain, les plaies s’y guérissent avec une extrême facilité. Il n’y a que deux maladies à craindre, l’ophthalmie et la dyssenterie ; de la première on se défend par des lunettes bleues, de la seconde par un régime sobre et régulier, en évitant la fatigue et surtout le passage de la chaleur du jour à la fraîcheur des soirées enchanteresses et dangereuses du Nil.
L’Égypte est un pays d’une fertilité incomparable ; ici les lieux communs de la poésie et les hyperboles de l’éloquence n’ont rien d’exagéré. On fait facilement trois récoltes dans l’année. Il en est de même dans l’Inde. L’Égypte approvisionnait l’empire romain pour quatre mois de l’année. Aussi les anciens ont-ils cru que l’agriculture était originaire d’Égypte et qu’Osiris avait inventé la charrue. Ce qu’il y a de certain, c’est que la charrue, telle qu’elle est représentée sur les monumens, et telle qu’on la voit aujourd’hui aux mains du fellah, est bien la charrue primitive. C’est un hoyau renversé et traîné par des boeufs.
Nous nous sommes éveillés au pied d’une berge dorée par le soleil levant et couronnée de palmiers. Les murs d’une petite ville ruinée viennent border le fleuve : cette ville est Syène (aujourd’hui Assouan), la dernière de l’Égypte du côté de la Nubie. Strabon est venu à Syène, Juvénal y fut relégué. Nous touchons à une des extrémités du monde romain.
On prétend que Syène, bien que située un peu avant le tropique, est, grace à diverses circonstances climatologiques, le lieu le plus chaud de la terre. Je ne sais ce qui en est, mais ce que je sais bien, c’est qu’il faisait ce matin une belle chaleur pour la saison. Nous avions le plaisir de mourir de chaud le 3 février, en errant sur l’emplacement de l’ancienne ville. A peine y trouve-t-on quelques débris d’antiquités. Ce qu’on voit en abondance, ce sont des pierres funèbres qui marquent le lieu de nombreuses sépultures mahométanes. Cet emplacement est saint pour les musulmans, et on y apporte de très loin les corps des dévots qui ont désiré y être ensevelis. En réfléchissant que l’île de Philae, voisine de Syène, était un des endroits où les Égyptiens plaçaient la tombe d’Osiris auprès de laquelle ils se plaisaient à être enterrés, il m’est venu dans l’esprit que la coutume musulmane pourrait bien remonter à l’antique usage égyptien. Ce serait un exemple de plus de ces